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tout au moins de lenteur. Il envoya simplement sa cavalerie inquiéter les avant-postes ennemis : ainsi s’engagèrent dans les marais de la Miette quelques combats équestres. Jugeant que la disposition des lieux lui donnait l’avantage[1], il organisa en outre son champ de bataille, creusant deux longs fossés qui, jusqu’à la Miette au Nord et l’Aisne au Sud, couvraient son camp[2] ; à l’extrémité, il établit un ouvrage où il installa ses tormenta, balistes qui, infiniment plus perfectionnées que celles des Gaulois, constituaient cette grosse artillerie dont la vue et l’action avaient si souvent démoralisé les Barbares. Cela fait, il rangea, lui aussi, son armée en bataille devant la Miette, laissant simplement deux légions à la garde du camp lui-même.

Mais aucun des deux partis n’entendait engager ses gros dans le marécage (celui-là même que traverse en chaussée la route de Reims à Laon). Les Belges essayèrent alors d’une manœuvre : ayant découvert des gués, vadis repertis, — actuellement entre Gernicourt et Pontavert, — ils tentèrent de passer l’Aisne. Ils entendaient ainsi tourner et emporter l’ouvrage que tenait, on s’en souvient, Tilurius Sabinus, dans le dessein de couper ensuite le pont qu’il commandait. Averti par Sabinus, César fait passer le pont à sa cavalerie latine et à la légère d’Afrique, ainsi qu’aux frondeurs et archers indigènes. Assaillis dans le fleuve même, les Belges devaient succomber. Le massacre fut terrible ; César donne ce détail que, sur les cadavres mêmes accumulés dans l’eau, les survivants essayèrent encore, — c’étaient des Gaulois, — de se faire un pont ; mais arrivés sur la rive gauche, ils y étaient entourés et mis en pièces. L’armée belge n’était plus de force, après ce massacre, à livrer une bataille rangée : elle se rejeta brusquement dans le massif. Mais elle y manquait de vivres, ipsos res frumentaria deficere cœpit, et César, plus résolu que jamais à ne pas faire massacrer ses légions dans un assaut prématuré, attendait, par ailleurs, les effets du mouvement tournant par l’Oise. Il n’attendit pas très longtemps : à la nouvelle

  1. Il dit que la butte était inclinée, comme la pente d’un toit (fastigatus), des deux côtés : la description de la butte de Mauchamp est des plus exactes.
  2. Nos hommes devaient creuser là une longue tranchée, qui reçut le nom de tranchée du Capitole. Parmi tant de dénominations fâcheuses, celle-là fait plaisir, liant nos poilus aux grands ancêtres légionnaires.