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table se trouvera retardé ; plus, également, nous aurons eu le temps de créer les industries destinées à déraciner des monopoles germaniques, de faire traverser à ces créations nouvelles la première période difficile, d’assurer leur développement et leur stabilité. Bien des circonstances de la guerre ont tourné, sur le front oriental, contre nos espoirs les plus légitimes ; mais il n’en subsiste pas moins ce fait capital que, depuis bientôt quatre ans, l’Allemagne est privée de relations commerciales avec la presque totalité du monde, que le fruit de ses longs efforts en Amérique, en Afrique, en Extrême-Orient, est, pour le moment, annihilé, et que, plus cette séquestration durera, plus les conséquences en seront définitives.

On doit remarquer d’ailleurs que les résolutions à prendre ne regardent pas la France seule et que celle-ci est même, dans notre camp, la nation la moins en mesure d’exercer à elle seule une pression efficace. Nous ne pouvons, nous, que susciter, encourager et adopter pour notre part les mesures défensives de nos Alliés. Les substances nécessaires à l’Allemagne, dont nous détenons le marché, soit dans notre métropole, soit dans nos colonies, se réduisent à peu de chose. Pour la plupart des matières premières, pour les vivres, les textiles, le charbon, presque tous les métaux, nous n’arrivons même pas à nous suffire. Nous ne pouvons guère produire un effet un peu sérieux que pour le fer et quelques matières minérales, telles que les phosphates et les minerais de nickel, ou pour certains produits coloniaux : encore en rencontrant chaque fois des concurrences plus ou moins nombreuses. Nous dépendons en général de nos alliés ; dans un cas même, pour le charbon, de nos ennemis. Nos alliés, au contraire, peuvent, s’ils le veulent, priver l’Allemagne de coton, de laine, de soie, de caoutchouc, de graines oléagineuses, de cuivre, d’étain, d’argent, etc. Toutes les conditions de l’existence future et des peuples et de leurs rivalités économiques sont donc suspendues à la forme que prendront, dans l’après-guerre, les alliances actuelles et à l’énergie active qu’elles sauront déployer contre les ennemis, ou contre tels neutres qui ne seraient que les ennemis sous un masque. C’est là le gros point d’interrogation qu’il serait imprudent de nous imaginer tranché dès aujourd’hui suivant nos désirs et nos illusions, le problème dont chaque heure écoulée modifie l’aspect.

A n’envisager que ce ravitaillement en matières premières,