Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 46.djvu/675

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’Angleterre a, depuis longtemps, un ministère de « reconstruction, » qui s’occupe avec un soin particulier de la question ouvrière (rapports du capital et du travail). Nous aurons à y revenir. En fait, les lois militaires ont supprimé, en Angleterre, toutes les libertés lentement conquises dont l’esprit aurait pu sembler contradictoire avec le régime proposé ; elles ont institué un droit de réquisition absolue des personnes et des choses ; et la résistance des ouvriers a seulement abouti au Munitions of war act du 2 juillet 1915, sorte d’accord entre patrons, ouvriers et gouvernement limitant ses effets à la guerre.

Il faut, à ces institutions officielles, ajouter, en Angleterre comme aux États-Unis, les rings qui se sont constitués pour empêcher les centraux de s’approvisionner en matières premières, ou pour les leur faire payer très cher, pour interdire l’accès des Allemands dans la marine britannique, etc.

Parmi les colonies anglaises, l’Australie, où les idées neuves n’effrayent pas, a été, pour ce qui regarde la question dont nous nous occupons, particulièrement militante, et son gouvernement a agi dans un sens résolument protectionniste. On sait ce qui s’est passé pour les minerais de zinc, dont presque toute la production était exportée en Allemagne. Les contrats ont été rompus et, dès 1916, il s’est constitué une association dont l’objet est de contrôler entièrement les opérations d’embarquement et de vente effectuées par les principaux producteurs. Plus tard, un groupement du même genre a été également réalisé pour le cuivre, dont l’Australie produit environ 40 000 tonnes entièrement raffinées dans le pays.

Le Canada peut intervenir de son côté pour le nickel, l’argent et le blé ; les Indes, pour le coton ; les États de Malacca, pour l’étain et le caoutchouc ; l’Afrique anglaise, pour les graines oléagineuses, le caoutchouc, etc. Or, dès la première conférence interalliée, réunie à Paris le 14 juin 1916, on semble avoir combiné, pour ces colonies, un programme de politique douanière assignant un tarif minimum à l’Angleterre, moyen aux Alliés, plus dur et contingenté aux neutres, sévère à l’Allemagne. Il a été admis en principe qu’on ne démobiliserait pas sans s’être d’abord assuré la possession des matières premières indispensables. Tout, depuis lors, indique la tendance à persévérer dans la même voie, avec accentuation progressive d’un régime étatiste, qui n’est pas sans susciter des