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vigoureux, et le 18e corps forçait partout le passage de la petite rivière et marchait enfin vers l’Aisne.

Ainsi, le 12 au soir, les trois armées qui, dans l’esprit du Haut Commandement, devaient livrer bataille entre Oise et Champagne, étaient, de la région de Compiègne à celle de Reims, à pied d’œuvre. L’extrême gauche de Maunoury franchissait l’Oise, extrême gauche que le 13e corps, s’acheminant vers la région, devait prolonger au-delà de la rivière ; les autres éléments de la 6e armée avaient passé l’Aisne, de Choisy-au-Bac à Fontenoy ; son extrême droite était arrêtée, de Fontenoy à Soissons. L’armée anglaise garnissait les plateaux, au Sud de l’Aisne qu’elle comptait passer entre Soissons et Œuilly. L’armée d’Esperey, nettement dirigée vers le Nord-Est, pouvait, par son 48e corps, — après les combats de Fismes, — déboucher entre Pontavert et Berry-au-Bac ; par le groupe Valabrègue, elle était en face de la trouée dominée par La Ville aux Bois, par son 3e corps en face de Brimont, par son 1er dans les faubourgs de Reims, par son 10e, en face de Berru et la Pompelle. Les armées alliées présentaient ainsi entre Oise et Suippes une ligne continue, étroitement liée, presque trop étroitement, puisque la nécessité pour le général d’Esperey d’assurer sa droite vers la Suippes entraînait, grâce, à ce souci de la liaison, la masse de nos forces un peu trop vers l’Est et avait pour lointaine conséquence, en désaxant la direction générale, de retenir Maunoury vers l’Aisne, quand c’était sur la rive droite de l’Oise qu’on attendait qu’il tournât le massif, menacé par les autres.


L’ennemi allait-il résister sur la ligne de l’Aisne ?

Au vrai, il se sentait bien battu et la lecture des carnets de route et lettres saisis postérieurement, montre que, moins que nous encore, les soldats allemands, et leurs officiers surtout, s’y trompaient. Les dépêches échangées entre les grands chefs et le grand quartier impérial accusaient, — en haut, — un désarroi qui allait jusqu’à l’exaspération, puisque entre Bülow et Klück, commandant les IIe et Ire armées, entre Klück et l’état-major de Moltke ; la mésentente avait été jusqu’à la fureur. Mais en bas surtout, la démoralisation était grande. Dès le 9, le bruit avait couru que « la gauche française, ayant rejeté notre aile droite », écrit un aviateur, il allait falloir reculer et