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ce sergent Schlichting nous permet de revivre l’effarement de cette retraite devant la menace d’un enveloppement de la Ire armée : « Les troupes se retiraient rapidement et essayaient de se rassembler à la hauteur de Reims où elles devaient, disait-on, recevoir du renfort de la VIIe armée. » La nouvelle que « la cavalerie française avait franchi la Marne et serait sur nous en très peu de temps » obligeait les aviateurs eux-mêmes à se jeter sur leurs appareils et « c’est en fuite rapide que nous continuions notre retraite. » « Nous reculons dans une bousculade épouvantable, » écrit, de son côté, un lieutenant saxon du 177e d’infanterie qui, à la vérité, ajoute avec une pointe de doute explicable : « Bien que nous ayons, dit-on, été victorieux. » Pas plus que ce lieutenant saxon, le médecin-major de Stalzahn n’est déjà très persuadé qu’une retraite si précipitée soit la suite logique d’une victoire, quand « le soir arrivent toutes sortes de nouvelles sur la marche en avant des Français et de leur percée entre la Ire et la IIe armée. » Je pourrais multiplier ces citations. C’était bien « le cœur lourd » que, comme l’armée Klück, toutes les armées battaient en retraite et il n’est guère douteux que si toutes n’opéraient point leur « repli » « dans une bousculade épouvantable, » des corps de cavalerie français eussent pu, sur tous les points, du 10 au 12, rendre générale cette « bousculade » et ainsi consommer notre victoire. On abandonnait blessés en masse, obus par millions, parfois voitures et canons. Et, la mort dans l’âme, on lâchait rapidement ces villes déjà tenues pour proies assurées : Château-Thierry, Épernay, Châlons, Compiègne, Beauvais, Soissons, à plus forte raison l’espoir d’entrer à Paris. L’armée allemande, battue, était en partie démoralisée et, par surcroit, Klück aussi irrité contre le haut commandement qu’on l’était contre lui au grand quartier impérial.

Le 11 septembre, l’armée Klück battait en retraite dans la direction Nord-Est, — suivant la voie que cent ans avant, après son échec sur l’Ourcq et sous la menace d’une attaque de flanc de Napoléon, le vieux Blücher avait, on se le rappelle, suivie de fort mauvaise humeur. Elle retraitait entre l’Oise et la ligne Braine-Laon, la IIe armée Bülow opérant sa retraite à l’Ouest de cette dernière ligne sans arriver à recréer tout à fait la liaison rompue au cours de la précédente bataille. Le 12, la Ire armée, composée des IXe, IVe corps, IVe de réserve,