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IIe et IIIe corps, — la plus formidable, — s’étendait de l’Oise à peu près à la ligne de chemin de fer de Soissons à Laon ; elle reculait devant l’armée Maunoury, qu’elle pouvait attendre, si elle n’était tournée par elle, sur les plateaux entre Oise et Aisne, de Noyon à Soissons. La IIe année occupait les plateaux orientaux, entre Soissons et Corbeny, par ses VIIe corps et Xe de réserve, tandis que son Xe corps et la Garde tenaient la trouée de Champagne, la IIIe armée (Hausen) la prolongeant de la région de Reims à la Suippe par ses XIIe de réserve, XIIe et XIXe corps. Un corps de cavalerie essayait d’assurer la liaison entre l’armée Klück et le groupe de l’Est.

En plaine, l’armée allemande eût été singulièrement en péril. Mais le massif de l’Aisne lui offrait le fort retranchement que l’on sait : des gens que les circonstances obligeaient à transformer la guerre de mouvement en guerre de positions et qui, d’ailleurs, s’y étaient éventuellement préparés, devaient être tentés par une des plus belles « positions » qui se put rêver.

On a beaucoup dit, et jusqu’aujourd’hui, que, tout en jetant sur la Marne, à destination de Paris, leurs armées enivrées d’orgueil, les Allemands avaient, avec soin, préparé, derrière elles, un champ de bataille formidablement organisé grâce à la confection de retranchements auxquels nous nous serions ensuite heurtés et brisés. Certains même ont prétendu que, secrètement reconnues par eux avant la guerre, les creutes, champignonnières, carrières du plateau, avaient été, bien avant, machinées de telle façon que, d’avance, l’état-major allemand avait pu décréter que là se briserait notre effort ide réaction possible. J’ai interrogé depuis 1914 bien de nos combattants, interrogé en 1917 des habitants de la région et il en résulte que « les positions formidables de l’Aisne » doivent être d’ores et déjà classées, — j’entends parler de celles de mi-septembre 1914, — parmi les légendes historiques. La preuve d’ailleurs est que, le 13, nous le verrons, de fortes reconnaissances anglaises et françaises qui purent franchir le Chemin des Dames, non seulement descendirent sur l’Ailette, mais, passant le marécage, parurent sur le plateau septentrional, notamment à Chermizy. Comment nos gens y fussent-ils arrivés s’ils avaient dû passer à travers un système de fortifications même ébauché et s’en revenir sains et saufs ?

En réalité, nous le verrons, notre échec devant les plateaux