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le même plateau de Paissy. Ce qui permet de penser que les Allemands, dans cette journée du 15, avaient momentanément renoncé à défendre le plateau méridional, c’est que, au témoignage du curé de Chermizy, l’abbé Ambroise, des patrouilles anglaises et françaises arrivèrent à son presbytère, d’où elles fusillèrent deux heures durant les Allemands qui s’étaient jetés au Nord du village. Or, Chermizy est, on le sait, sur le plateau dominant la rive droite de l’Ailette. Tel fait montre de quel esprit étaient animés les soldats de Maud’huy, — comme d’ailleurs ceux de Haig. — Et de cet élan on pouvait attendre de beaux résultats : si, le lendemain, le plateau de Craonne était emporté, on devait espérer que le groupe Valabrègue pourrait s’engager délibérément vers Juvincourt. A sa droite, le reste de la 5e armée avait, en cette journée du 13, vigoureusement attaqué sur le front Brimont-Berru-Nogent-l’Abbesse et on était autorisé à penser qu’enlevant ces positions, les 3e et 1er corps faciliteraient de leur côté à Valabrègue le mouvement qui lui était prescrit vers la route de Laon. Précisément, dans la nuit, parvenait au général d’Esperey l’ordre d’ « orienter sa marche un peu plus vers le Nord : » Maud’huy et Valabrègue lui en ouvriraient le chemin.

Déjà les soldats de Maud’huy s’apprêtaient à donner l’assaut au moulin de Vauclerc et à la ferme d’Hurtebise. Mais, de leur côté, les Allemands, inquiets de leurs échecs de la veille, se préparaient à réagir. A onze heures trente, de fortes colonnes ennemies se dirigeaient sur Corbeny qui, violemment bombardé, dut être abandonné. Mais à gauche, au contraire, nous progressions : la 36e division, jetée à l’assaut, avait enlevé les pentes du plateau de Vauclerc, et, tandis qu’on occupait Craonnelle, avançait au-delà des crêtes ; à la même heure, la brigade Pichon, à travers le plateau de Paissy, parvenait au Chemin des Dames et sautait dessus. Les soldats de Maud’huy entraient dans la ferme Hurlebise où tant de glorieux souvenirs accueillaient ces braves. De si brillants succès faisaient plus que compenser la perle de Corbeny qui, d’ailleurs, l’Ailette franchie, retomberait fatalement entre nos mains.

Malheureusement, Valabrègue avait été beaucoup moins heureux. Fortement attaqué, il n’avait pu que se défendre sur la rive gauche, à l’Est de Berry-au-Bac. Seul, le 287e avait remporté un beau succès, car, ayant enlevé le village après le canal