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ce « complet désarroi. » Cependant, on espère encore. Mais le temps continue à être effroyable : « Il n’a pas cessé de pleuvoir sans arrêter. Les chemins sont affreux ; les troupes sont exténuées. Pauvres gens ! On se couche le cœur serré, en pensant à la situation qui paraît très compromise à gauche. »

L’événement était conforme à ces impressions. Nous arrivions décidément trop tard, — d’un jour peut-être. Le 13e corps s’était, dès le matin, heurté à une contre-offensive allemande qui, à la même heure, se développait sur toute la ligne de l’Oise à Reims. Alors que, la veille au soir, il n’était plus qu’à trois lieues de Noyon, il avait, d’avance, le 17, été refoulé d’Elicourt sur Vaudelicourt et Vignemont à sa gauche et ne parvenait pas, sur sa droite, à dépasser Dressincourt et l’Ecouvillon. La marche sur la ligne Lassigny-Noyon était du coup manquée. Et aussitôt, cet échec avait sa répercussion sur le plateau où, attaquée violemment à Cuts et près d’être encerclée, la 37e division s’était repliée. Un désordre général se produisait sur toute cette partie du champ de bataille et les combats continuaient dans la confusion. Ce n’est qu’au soir que le général Ebener remettait de l’ordre dans le combat. « Les troupes étaient épuisées, écrit un témoin, par cinq ou six jours de privations et de combats. Il pleuvait, tout s’acharnait contre nous. » Il y eut cependant un rayon de soleil : le 3e zouaves, attaquant Tracy-le-Val, enlevait un beau « drapeau blanc brodé d’or à l’aigle noir, » saisi entre les mains crispées de l’ober-lieutnant Von der Gotz, brave officier, qui s’était fait tuer sans lâcher son drapeau.

Le général Maunoury n’était pas homme à renoncer. Il prenait ses mesures pour que le 4e corps, retiré du plateau, fût porté à gauche du 13e, et appuyât, le 18, la marche sur Noyon.

Le Haut Commandement était plus que jamais décidé à y faire jaillir la décision. L’échec du 13e corps, loin de le décourager, lui faisait simplement penser que la manœuvre devait prendre, avec des forces bien supérieures, une plus large envergure. D’ailleurs, la marche vers l’Ouest de l’armée Heeringen indiquait assez que, si nous ne débordions point l’ennemi, c’est lui qui nous allait déborder à notre gauche. La manœuvre allait commencer de part et d’autre qui, se prolongeant, de la vallée de l’Oise à celle de la Somme, de celle-ci aux plateaux d’Artois, de ceux-ci aux plaines de Flandre, devait