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pourraient reprendre leur élan vers l’Ile-de-France. Ils l’avaient tenté lors de leur contre-offensive du 20-22. Elle s’était brisée contre un mur et il semble qu’un vent de découragement ait soufflé aussi chez l’ennemi : « Ce pays sera notre tombeau, » écrit le 22 un des soldats. Un autre soupire : « Bataille dure ; notre 3e compagnie n’a plus que 70 hommes au lieu de 250. » Et un troisième conclura, le 27 : « On ne peut les déraciner. » C’était sans doute l’avis des chefs.

Ils y renonçaient, mais momentanément, pour essayer, en nous abordant par le Nord, de réaliser un nouveau plan. Seulement, ils n’entendaient pour rien au monde nous laisser prendre, fût-ce par des attaques locales, de nouvelles positions sur les plateaux ; ils ne pouvaient même souffrir que le Chemin des Dames restât sur un point quelconque entre nos mains, s’il s’agissait de leur droite, qu’à leur gauche la bordure septentrionale du massif, entre Aisne et Oise, leur fut arrachée ; au centre enfin, ils devaient apporter un soin jaloux à maintenir les Alliés au pied de la falaise de Vailly à Fontenoy, adossés à l’Aisne, et placés jour et nuit sous leur feu. Le massif de l’Aisne restait pour eux, au début du mouvement, vers le Nord, la charnière qui, cédant, détraquerait tout le mouvement. Klück et Bülow ayant à réparer de grandes fautes — le premier surtout — veilleraient au moins à ce que la Marne n’eût pas de lendemain. On maintenait donc, en face de nous, en hommes, des forces imposantes qui, le 29 encore, de Noyon à Reims, représentaient plus de onze corps d’armée. Les canons restaient en position, aussi nombreux, aussi redoutables. Avec méthode et rapidité, l’ennemi, utilisant cette merveilleuse position naturelle des plateaux à creutes, la rendait, par ses travaux, presque inabordable. Il fortifiait villages, fermes, buttes et terrasses. Il opposait donc tous les jours un front plus inexpugnable à des attaques qui, par ailleurs, nous le savons, ne pouvaient être ni assez constantes, ni assez fortes pour rompre ce front.


Le général Maunoury essaya encore cependant, le 22, d’une attaque pour nettoyer le plateau oriental qui restait son seul champ de bataille. Il demanda l’appui de Castelnau qui effectivement lança ses troupes sur Lassigny, et French qui fit