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Girac, un provincial, un humaniste rural, ami de Balzac et un peu son voisin. Le rôle de Balzac, en cette affaire, est assez trouble. Voiture était mort en 1648 ; on avait bientôt publié sa correspondance : elle parut en 1650, avec un grand succès. Il semble que Balzac ait désiré de voir le talent de son émule discuté. M. de Girac, sollicité par lui, écrivit une dissertation latine, où Voiture est loué suffisamment à notre goût, mais où Voiture est épluché, où Voiture même est accusé de n’être pas toujours assez balzacien, non satis balzacianus. La dissertation latine courut, par les soins de Balzac. M. Costar fut prié de donner son avis. Il n’y manqua point : lentement, car il avait l’esprit lent, il composa cette Défense, qui n’était pas ce qu’attendait Balzac et plutôt en était le contraire. Pour avoir été reçu jadis à l’hôtel de Rambouillet, pour y avoir lié connaissance avec Voiture, M. Costar avait conscience d’être quelqu’un. Mais on ne le savait pas. Sa renommée dormait cachée dans l’évêché du Mans. Or, il avait de l’ambition ; et il avait une ambition provinciale, qui a du loisir et n’a point de divertissement, qui souffre et qui enrage d’elle-même. Voici l’affaire Voiture, à lui tendue comme une perche par M. de Balzac. Il la saisit. Il ne la lâchera plus : et tant pis même pour le sauveteur, si la perche devient un gourdin dans les mains du sauvé ! M. de Girac recevra des horions ; et M. de Balzac, les contrecoups. Désormais, M. de Costar n’est plus que le défenseur de Voiture. Il a publié en 1653 la Défense. L’année suivante, il donne les Entretiens de M. de Voiture et de M. Costar : ce sont des lettres alternées du défenseur et du défendu, mais il n’est pas sûr que les lettres du défendu ne soient aucunement du défenseur. L’année suivante, il donne la Suite de la défense des œuvres de M. Voiture. Et, l’année suivante, pour couronner l’édifice de ces trois tomes qui font 176, plus 567, plus 425 pages de texte lourd, paraissent les 420 pages de l’Apologie de M. Costar, par M. Costar. Entre temps, M. de Girac avait lancé sa réplique, où il trouvait que son impertinent contradicteur n’avait pas fort lu les anciens poètes, appliquait très mal certain passage de Tacite, disait à la légère que la Lune n’avait pas eu d’amant, ignorait que l’étoile du matin fût la même que celle de Vénus, et enfin ne savait rien de rien. Costar lui jeta les Entretiens et l’Apologie. Mais, redoutant une seconde réplique, il eut soin de la faire interdire et saisir par