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parties plaidantes. Ils auraient voulu contenter ces deux personnes considérables, M. Ménage et M. Chapelain. Après avoir pris le temps de réfléchir, ils les invitèrent à se considérer comme vainqueurs l’un et l’autre : les deux interprétations étaient bonnes. Mais ni Ménage ni Chapelain ne consentirent à cette paix honorable. Ils rédigèrent de nouveaux mémoires.) Au bout de quelques mois, les académiciens de la Crusca glissèrent, parmi des compliments décernés à Chapelain, le gain de cause accordé à Ménage, qui du reste continua de ses chamailler avec Chapelain. Mlle de La Vergne, Ménage ne lui en veut pas ! Il lui pardonne, et tendrement. Il se flatte d’aller bientôt la revoir à Champiré, e forse (o che spero ! ) il mio tardar la dole… Elle lui a écrit pour l’y engager ; elle lui a écrit, badinant sur ce qu’il avait l’habitude agitée, que sans doute il faisait chaque jour mille et mille voyages sans quitter Paris : mais oui ! c’est vrai, chaque jour il s’évade et, en imagination, vote mille et mille fois à la délicieuse hospitalité angevine. En terminant, il donne des nouvelles de la ville. Mme de Sévigné, la veuve, se porte à merveille et baise affectueusement les mains de son amie. Pour lui, somme toute, il va mieux : È passata la febre ; ma tuttavia mi resta un po’ di calore.

Dove fu gia gran foco,
Caldo riman per lungo tempo il loco.

Le feu de la fièvre et la ferveur d’amour font une poétique analogie que Pétrarque a maintes fois célébrée. Ménage la laisse deviner. Et on le voit qui, peu à peu, mène Mlle de La Vergne à lui être Laure, afin qu’il soit Pétrarque.

Cependant, elle reste gentiment simple, dans ses lettres, et n’y a point les attitudes arrangées d’une muse. Elle écrit à Ménage très souvent, et avec plus de spontanéité que d’application[1]. « Ma mère et M. de Sévigné me font mille réprimandes de ce que je manque à vous faire leurs compliments. Au moins, quand je l’oublierai, ne laissez pas de croire qu’ils vous en ont fait, car je vous réponds qu’ils me le disent très souvent. Je ne vous en dirai pas davantage pour aujourd’hui, car voilà M. de Landemont, que je veux aller entretenir. Adieu,

  1. Une correspondance inédite de Mme de La Fayette et de Ménage, provenant de l’ancienne collection Tarbé et que M. le comte d’Haussonville a signalée ici même, m’a été très obligeamment communiquée par Mme Feuillet de Conches.