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une passion, comme le faible d’un certain âge ou comme une mode qu’il faut suivre. » Elle prélude à la dévotion par la galanterie, dans cette liaison qu’elle a longtemps avec l’archevêque de Paris, M. de Harlay. Toutes les après-dînées, elle va lui tenir douce compagnie au château de Conflans, belle résidence et don du roi ; ils se promènent à pas lents par les allées du « jardin délicieux » : des jardiniers effacent les traces de leurs pas sur le sable. Saint-Simon ne la rencontre jamais dans son récit, qu’il ne l’appelle « une espèce de fée, » une « fée solitaire » et qui habite « un palais enchanté. » Mais ce n’est point à cette fée que ressemblait Mlle de La Vergne : Paule-Marguerite-Françoise de Gondi, duchesse de Lesdiguières, est de la génération suivante. Il s’agit d’Anne de La Magdelaine de Ragny, duchesse de Lesdiguières et, par sa mère Hippolyle de Gondi, cousine germaine du cardinal. Elle est aussi, et non loin de La Vergne, sur la Carte du Pays de Braquerie : « Lesdiguières est une ville assez forte, quoique commandée par une éminence… » Cette éminence : le cardinal… « Elle est hors d’insulte et on ne saurait la prendre que par les formes. Mais elle a pourtant été prise et minée, comme tout le monde le sait, ainsi que la manière dont elle fut traitée, par un homme à qui elle s’était rendue sous des conditions avantageuses ; et, voyant qu’il n’y avait pas de foi parmi les gens d’épée, elle se jeta entre les bras de l’Eglise et a pris son évêque pour gouverneur. » L’homme d’épée, c’est Gaston, marquis de Roquelaure, maître de la garde-robe, duc à brevet : un insolent, un ferrailleur, qui n’avait à se vanter que d’une blessure, mais qui s’était procuré « un certain empire sur les gens de sa volée, » dit Tallemant, et un butor. Au bal, un soir, il s’approcha de Mme de Longueville et, désignant Mme de Lesdiguières, il dit à la princesse : « Madame, vous avez été trahie. Toutes les confidences que vous avez faites à cette ingrate n’ont pas été tenues secrètes : et c’est à moi qu’elle a tout dit ! » Cette absurde avanie et le scandale qui en résultait pour Mme de Longueville, autant que pour Mme de Lesdiguières, firent « un bruit épouvantable. » Puis, le temps passe ; et Roquelaure, sur le point de se marier, recherche Mlle du Lude. La mère de cette jeune fille est une femme de précaution : devant que de donner sa fille, elle veut des renseignements et, pour en avoir, s’adresse à qui ? à Mme de Lesdiguières. Celle-ci d’abord s’étonne et rit bientôt. Mme du Lude