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Car, soyons beaux joueurs. Ne contestons rien. Admettons comme parole d’Évangile tous ces dires. Aux dépositions recueillies par le Dr Bischoff, qu’on joigne toutes celles que contiennent les divers Livres blancs allemands et les rapports de commissions d’enquête instituées par nos ennemis. Mais qu’en face de tous ces témoignages, on dresse ceux de l’autre camp. Et que l’on compare ! Ni pour le nombre, ni pour la nature ou la gravité des méfaits ou des attentats commis, l’Entente n’a rien à redouter d’une comparaison, qui serait écrasante pour la Quadruple-Alliance. Les crimes allemands, — et nous ne les connaissons pas tous, — seront pour l’impartial avenir un objet unique d’horreur et d’étonnement. Aussi bien, le monde a déjà choisi et jugé en connaissance de cause, et tous les efforts de la propagande allemande n’y changeront rien. M. Joseph Reinach nous contait récemment qu’aux premiers mois de 1915, il reçut la visite de l’intime ami du président Wilson, le colonel House, lequel lui déclara que le président « était convaincu du bon droit de l’Entente dans la guerre, » et que, « n’obéissant jamais qu’à sa conscience, il interviendrait, avant la fin de la guerre, en notre faveur. » Le président Wilson n’est pas seulement un juriste ; il est un justicier. À qui fera-t-on croire qu’avant de formuler un jugement moral de cette portée, il n’ait pas pris soin de recueillir et de confronter tous tes témoignages essentiels, et, comme disait Pascal, d’ « ouïr les deux parties ? »

À en croire les Allemands, c’est en Prusse orientale, durant leur trop courte occupation, que les Russes auraient commis les actes de destruction et de « barbarie » les plus répréhensibles. Un de leurs scribes, — qui signe « le jeune Anacharsis, » et qui définit « ce bon président Wilson » « le plus nigaud de tous les hommes politiques actuellement au pouvoir, » — s’apitoie, à grand renfort de chiffres, sur ces prétendues déprédations : « Dans la Prusse orientale, écrit-il, le dernier rapport officiel du gouvernement allemand compte 34 000 bâtiments entièrement détruits, dont 2 400 dans le gouvernement de Kœnigsberg, 13 000 dans celui d’Allenstein, 18 600 dans celui de Gumbinnen. 3 200 seulement de ces maisons, fabriques, etc. étaient sises dans des villes. À peu près 400 000 personnes ont dû fuir devant la fureur des armées russes… En se retirant, les Russes ont tout emporté et détruit ce qu’ils ne pouvaient