Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 46.djvu/897

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que l’intérêt militaire les y oblige, s’acharnent à bombarder, à incendier, à démolir leurs propres villes, leurs monuments les plus rares, alors qu’ils n’auraient eu qu’un mot à dire, un geste à esquisser pour sauver à tout jamais leurs richesses d’art comme les autres, et s’épargner toutes les horreurs de la guerre ! Oui ou non, sont-ce les Français qui ont réduit en cendres Bapaume, Péronne, la Fère, Montdidier, Soissons, Château-Thierry, Saint-Quentin ? À Saint-Quentin, il y avait une superbe basilique, l’un des chefs-d’œuvre de l’art gothique. Aujourd’hui, le monument est en ruines : l’artillerie alliée l’a pris pour cible, y a déterminé un violent incendie. Et il est vrai, les communiqués français ont déclaré, le 16 août 1917 : « Les Allemands ont mis le feu à la collégiale de Saint-Quentin qui brûle depuis plusieurs heures. » Mais c’est, répond l’Allemand, un mensonge et une absurdité : les témoignages, — allemands, — les plus authentiques, établissent que l’incendie a été allumé par des obus incendiaires français, et les photographies prouvent d’une manière indubitable que les batteries françaises et anglaises, « sans pouvoir se prévaloir seulement d’un semblant de nécessité militaire, et par pure rage de destruction, » selon la formule de M. Delcassé à propos du premier bombardement de Reims, se sont acharnées sur l’auguste édifice. Bien loin de collaborer à cette œuvre de destruction, les Allemands, « profondément émus, » ont sauvé de la collégiale, « au prix des plus grandes difficultés, » tout ce qu’ils ont pu en sauver, notamment les verrières encore intactes, et une délicieuse statue de la Vierge. Ils ont fait presque mieux encore. « Pendant l’occupation allemande, un Père franciscain enthousiaste d’art, le professeur Dr Raymond Dreiling, a consacré au monument une petite publication qui maintenant restera le dernier document publié, sur l’antique église. » Ce précieux opuscule est intitulé élégamment, à l’allemande : la Basilique de Saint-Quentin, ses rapports avec la science, sa destinée dans la guerre mondiale.

Et ne croyez pas que « le haut commandement allemand, » pour se faire pardonner sans doute le bombardement de Reims, s’en soit tenu à ce seul sauvetage. « Tout le long du front occidental, dans la mesure permise par la situation militaire, » des ordres ont été donnés et exécutés « d’une façon exemplaire et pleine de prévoyance, » pour mettre à l’abri toutes les œuvres