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un assez grand nombre d’unités de plongée, le succès n’en est pas le même au moment où j’écris, — commencement d’août, — et où les torpillages paraissent reprendre, les destructions affectant surtout les plus grands paquebots des Alliés, Cincinnati, Carpathia, Justicia.

Mais l’état-major naval de Berlin a pensé sans doute que deux précautions valaient mieux qu’une et que de s’ingénier à franchir ce redoutable barrage, cela n’empêchait pas d’essayer de le rendre inutile en créant dans l’Arctique libre un nouveau débouché pour ses sous-marins transportés par voie ferrée. Et j’entends bien que ce nouveau débouché n’eût pas été prêt de sitôt ; mais on n’en est pas, à la Potsdamer platz, à croire que la guerre sera finie dans trois mois. D’ailleurs, comme je l’ai dit plus haut, il y avait intérêt, dès maintenant, à créer cette base de réparations et de ravitaillement en faveur des submersibles qui opèrent déjà sur la côte mourmane, après avoir eu la chance de franchir le barrage.

Le second objectif était certainement de couper toute communication entre les Alliés et une Russie, réduite sans doute à ce qu’était au XVIIe siècle la Moscovie, mais qui, moyennant quelque secours d’Occident, en attendant l’aide qui lui viendrait, un jour ou l’autre, des empires des Jaunes, pouvait se redresser à la fois contre ses envahisseurs et contre leurs complices, ses maîtres d’un jour.

Le troisième objectif concernait les neutres du Nord ou du moins ceux de la grande péninsule Scandinave que l’on ne sentait plus « en main » depuis quelque temps. Dès l’automne de 1917, un de mes correspondants norvégiens prévoyait un gros effort de l’Allemagne pour s’établir dans la région des fjords du Cap Nord, que le décret royal du 13 octobre 1916 interdisait à ses sous-marins et dont la convention de janvier 1917 ne lui rendait pas un plein usage : « Ils gagneront ainsi progressivement du Nord au Sud, par la voie de terre, me disait ce neutre clairvoyant et attristé, pendant qu’ils nous menacent toujours dans le Sud par la voie de la mer… » Cette double manœuvre est bien, dans l’esprit de la brutale diplomatie allemande, de nature à retenir dans une docile et tremblante neutralité cette Norvège que l’on sentait exaspérée par la destruction systématique de sa flotte de commerce.

Menace encore, et très claire cette fois, à l’adresse de la