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anciens départements français du Haut-Rhin, du Bas-Rhin, de la Moselle et de la Meurthe, nos ennemis qui redoutaient la révolte des indigènes, en cas de guerre, avaient préparé dès le temps de paix leurs Listes noires. L’existence de ces Schwartze listen nous avait été révélée en janvier 1906 par Alfred Stephany, ex-commissaire à la présidence de police de Strasbourg, qui avait dû quitter l’Allemagne après de fâcheux démêlés avec son gouvernement. Dans ses Scandales allemands en Alsace-Lorraine, le policier du Kaiser écrivait :

« Chaque direction de police possède dans ses archives :

« 1° Une liste secrète des Alsaciens-Lorrains qui, en cas de mobilisation, doivent être expulsés ;

« 2° Une liste secrète des Alsaciens-Lorrains qui, en cas de mobilisation, doivent être arrêtés et internés dans des casemates, à l’abri de tout coup de main.

« Ces listes de proscription sont annuellement rectifiées et complétées ; chaque commissaire de police les reçoit sous pli dûment scellé, et en échange d’une quittance en règle. Pour prévenir tout démenti de la part du gouvernement, je déclare formellement que ces listes de proscription ne sont pas d’origine militaire… C’est le ministère impérial de Strasbourg qui en endosse la responsabilité… »

Ainsi, grâce aux listes noires, le gouvernement allemand pouvait arrêter instantanément tous les chefs possibles d’un mouvement anti-germanique, et il n’y manqua pas durant la dernière semaine de juillet 1914. Quant aux troupes de ces chefs, c’est-à-dire à la quasi totalité des Alsaciens-Lorrains d’origine française, il confia aux Conseils de guerre le soin de les terroriser.

Ces Conseils furent : ou les Conseils de guerre ordinaires, composés d’officiers et de magistrats militaires, jugeant les mobilisés et les civils inculpés de haute trahison à propos des opérations militaires : — ou les Conseils de guerre extraordinaires, créés après la proclamation du Kriegsgefahrzustand (état de danger de guerre), en vertu de l’article 68 de la constitution de l’Empire et de la loi prussienne du 4 juin 1851 sur l’état de siège, composés de militaires auxquels furent adjoints deux juges civils. Ces Conseils extraordinaires siégèrent à Metz, Strasbourg, Thionville, Sarreguemines, Mulhouse, Colmar (Neuf-Brisach et Sarrebrück quand les Français