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Le garçon de ferme, Charles Brand, d’Uckange, « n’a pas rougi d’exprimer sa foi dans la victoire des Français. » Deux mois de prison, par extrême indulgence[1]. — En prison Jean-Jacques Meyer, cultivateur, « pour avoir fait une sortie contre la limitation de la circulation : « C’est encore une nouvelle histoire de ces maudits, de ces sacrés N… de D… de cochons de Schwobs, » a-t-il dit. — En prison Eugène Meyer, cultivateur à Riedisheim, pour avoir crié à des enfants qui chantaient des airs patriotiques : « Fermez donc vos g… Gottverdammi ! Je ne peux pas entendre cela[2] ! » — En prison pour quatorze mois, Désiré Watteyne, domicilié à Clouange, pour « ses expressions grossières et débordantes de haine contre le germanisme[3]. »

Voici en quels termes l’Elsässer Tageblatt, du 15 décembre 1915, rend compte des « crimes » d’un paysan alsacien de La Poutroye ; c’est, on va le voir, un document excellent :

« Le cultivateur Joseph Million est accusé d’avoir manifesté ouvertement, à trois reprises différentes, des sentiments antiallemands :

« 1° Million est fermier à Langenwasen et, lorsque les Français bombardèrent les ouvrages allemands, au Nord du col du Bonhomme, le 20 octobre dernier, il contempla le bombardement de sa maison. Les ouvrages semblaient fortement touchés, et Million ne put se retenir de manifester sa joie par un rire malicieux ;

« 2° Au commencement d’octobre 1915, Million fut appelé à la révision. La veille de la session, il déclara à un témoin qu’il savait bien ce qu’il aurait à faire s’il était pris : il brûlerait sa maison, afin que les soldats n’aient plus d’abri. Il avait d’ailleurs, disait-il, déjà assez fait pour l’armée !

« 3° Le soir de la révision, Million rentre tard à la maison. Il était ivre. Les soldats, qui couchaient à côté de sa chambre, l’entendirent chanter une chanson française, et, peu après, s’écrier : « Vive la France ! » Coût : un an de prison[4]. »

  1. Conseil de guerre extraordinaire de Mulhouse, 15 septembre 1915, d’après l’Oberelsässische Landes Zeitung du 17.
  2. Conseil de guerre extraordinaire de Mulhouse, 5 octobre 1915, d’après l’Oberelsässische Landes Zeitung du 8 octobre.
  3. Conseil de guerre extraordinaire de Thionville, d’après l’Oberelsässische Landes Zeitung du 11 janvier 1917.
  4. Conseil de guerre extraordinaire de Colmar, 29 novembre 1915.