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Enfin, voici pour finir quelques phrases qui valurent à des paysans annexés l’honneur des geôles allemandes.

Le Conseil de guerre de Strasbourg du 11 août 1915 juge Joseph Joessel, de Wolxheim, déjà condamné précédemment pour ses sentiments anti-allemands à un mois de prison. Parlant à des soldats allemands. Il leur a dit : « Si seulement ces bons Français venaient bientôt ! » Aussitôt arrêté et conduit au poste, il cria à plusieurs reprises pendant le trajet : « Vive la France ! » Neuf mois de prison.

Charles Christ, cultivateur, s’est laissé aller à boire dans une auberge de Brunstatt. Il crie : « Vive la République ! » et ajoute : « Si les Allemands et les Français faisaient encore la guerre et si nous redevenions Allemands, le même sang circulerait toujours dans nos veines ! » Enfermé au poste de police, il déclare : « Tuez-moi, si vous voulez ! Vous en avez fait bien d’autres en Belgique, mais vous ne serez pas vainqueurs ! En 1870, l’Alsace a été vendue à l’Allemagne ; l’empereur Frédéric l’a dit. » Un mois de prison[1]. — Jacob Lauer, de Bliesschweyen, laitier, chante dans une auberge des chansons françaises. L’aubergiste, à plusieurs reprises, l’invite à se taire, mais il lui répond : « J’ai quatre frères à Nancy, je peux chanter ce que je veux. » Il est porteur d’un grand couteau. En prison[2]. — En prison Joseph Goetz, laboureur à Heidwiller, pour avoir dit : « Je suis Français, mon père l’était, mes frères le sont, et je le suis comme eux, quand bien même on me conduirait en prison. » — En prison pour deux ans, Jean-George, laboureur à Bourg-Bruche, « pour avoir indiqué au mois d’août aux Français le pasteur comme une canaille et avoir crié : « Mon cœur a toujours été français ![3]. » — Le bûcheron Victor Binder, de Krüth, père de cinq enfants, a fait son service militaire de 1894 à 1896 comme grenadier à Karlsruhe. Français dans l’âme, malgré tout, il cherche à renseigner nos troupes. Il est condamné à mort et fusillé[4]. — Le 27 août 1916, on fusille le fermier Charles

  1. Conseil de guerre extraordinaire de Mulhouse, 10 novembre 1916, d’après l’Oberelsässische Landes Zeitung du 23.
  2. Conseil de guerre extraordinaire de Metz, 30 septembre 1913, d’après la Metzer Zeitung du 4 octobre.
  3. Condamnations prononcées durant le premier semestre de 1915.
  4. ObereIsässitche Landes Zeitung des 9 et 13 décembre 1915.