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En attendant, comme notre marine de guerre consistait presque toute en galères sur la Méditerranée et que le trafic de notre flotte marchande sur l’Océan était insignifiant, le commerce des Indes fut peu à peu monopolisé par les Hollandais, qui avaient hérité dans le Nord de l’Europe, depuis le XVIe siècle, l’ancien rang des villes hanséatiques. Les bourgeois du premier ordre, à Dantzig, continuaient de se rendre à la place du Commerce, l’épée au côté, se prétendant nobles polonais ; mais les affaires leur échappaient. C’étaient les Hollandais, organisés en sociétés anonymes, qui apportaient le sel et le vin de Bordeaux ou d’Anjou, acheté par eux dans nos ports. Il ne venait de France que deux ou trois vaisseaux par an.

C’étaient eux aussi qui allaient en Moscovie chercher pour nous des câbles, des fourrures, non seulement celles du pays, mais aussi celles du Canada, dont les peaux et le poil de castor, destiné à la fabrication des chapeaux, nous arrivaient alors par cette unique voie. « La subsistance des Hollandais, qui à proprement parler, ne sont qu’une poignée de gens réduits en un coin de la terre, écrit le cardinal de Richelieu, est un exemple de l’utilité du commerce. » Intermédiaires universels, ils vendaient de tout à tous, amis ou ennemis, sans souci des hostilités ou des alliances : leur prépondérance commerciale précéda celle de l’Angleterre.

De nos jours, les Compagnies françaises de navigation » rédigent en anglais les connaissements qu’elles délivrent en Chine et aux États-Unis pour les marchandises à destination d’Europe ; tandis que, dans la République Argentine, elles rédigent leurs connaissements en français. C’étaient, au XVIIe siècle, l’espagnol, l’italien et l’allemand que l’on conseillait d’apprendre aux jeunes gens pour les former au commerce ; il n’était pas question de l’anglais. D’ailleurs, quoique La Bruyère estime que « l’on ne peut guère charger l’enfance de trop de langues, que l’on devrait, dit-il, mettre toute son application à l’en instruire… elles sont utiles à toutes les conditions des hommes ; » cette recommandation du grand moraliste ne parait guère suivie de son temps ; sans toutefois généraliser le cas d’un sieur Nelson, appointé sur l’état de la maison du Roi, comme « secrétaire-interprète des langues étrangères, » qui, dit Tallemant, n’en savait pas une. Les