Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 47.djvu/241

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Hindenburg et le comte Hertling, d’un côté, le colonel-général von Arz et le comte Burian, de l’autre, ont pu discuter; les souverains eux-mêmes, Guillaume II surtout, n’ont pas dû rester muets. Mais les termes généraux qu’on emploie pour parler de l’accord prouvent que cet accord, lui aussi, est demeuré in generalibus. On ne dit d’une entente qu’elle est « intime » que lorsqu’elle n’a pas abouti à un contrat. Ici, il fallait un contrat, parce qu’on débattait un marché. Autant que nous pouvons le conjecturer, l’Allemagne demandait à l’Autriche dix ou quinze divisions pour le front de France, et l’Autriche, en retour, demandait à l’Allemagne le royaume de Pologne. Nous ne savons pas ce que l’Allemagne a obtenu, mais on s’est arrangé pour nous faire savoir ce qu’elle n’a pas concédé. La solution austro-polonaise, répètent à l’envi les journaux d’outre-Rhin, a été abandonnée. Par « la solution austro-polonaise, » entendons la solution autrichienne de la question polonaise : la Pologne russe rattachée à la Galicie, et réunie, sous Charles Ier, à la couronne d’Autriche. Union totale, union nationale. On a préféré, du moins l’Allemagne a préféré, une combinaison qui ferait de la Pologne un État allemand, sous un prince de la maison d’Autriche; solution germano-habsbourgeoise; pas même union personnelle, puisqu’il y aurait une autre personne, interposée entre la Pologne et l’Autriche, comme entre la Pologne’ et l’Allemagne.

Dans cet arrangement, les œuvres seraient allemandes et les pompes autrichiennes. Le comte Burian, que sa grandeur secondaire n’oblige pas à la même réserve que l’empereur Charles, est revenu à Vienne d’assez méchante humeur, et il l’a laissée s’exhaler. Aux affirmations des gazettes allemandes, qu’il n’y aurait pas de Pologne autrichienne, qu’on y avait renoncé, les plumes taillées au Ballplatz ont répliqué que rien n’était dit, rien n’était fait. Le président du Conseil autrichien, le baron Hussárek, est tristement de cet avis, car l’Autriche, en poursuivant l’acquisition d’un nouveau morceau de Pologne, ne vise pas seulement, ni peut-être principalement, à un accroissement de territoire; elle y cherche, par l’extérieur, une issue à ses embarras intérieurs (et le mot « embarras » est beaucoup trop faible). La transformation de la monarchie dualiste en monarchie fédéraliste, à laquelle M. Hussárek aurait songé, n’était possible que dans l’hypothèse de la réunion de la Pologne. Alors, le groupement d’États qui a à Vienne son centre conventionnel et son expression protocolaire pourrait être envisagé sous la forme d’un chandelier à cinq branches : l’Autriche, c’est-à-dire les provinces de langue