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entreprises tentées contre elle. Les règles tenaient leur autorité de l’inscription faite sur les registres de l’Université et par ses chefs ; les chefs refusent d’y signer sous la dictée du monarque les nouveautés ; elles y sont transcrites d’ordre du prince : les chefs de l’Université mettent en marge leur dissidence. Ils sont destitués, et des professeurs choisis par Vienne pour répandre l’esprit nouveau ; les étudiants désertent les chaires, et avec eux se répand au dehors l’impopularité des mesures. Joseph II tient pour fomentateurs du mécontentement les prêtres instruits par Louvain à la plus corruptrice des perversités, l’indépendance. Pour sauver l’avenir, il décide de soustraire le sacerdoce à cette insoumission, de former seul le futur clergé dans un « séminaire général ; » il choisit lui-même les professeurs, les matières de l’enseignement et les doctrines à admettre : c’est dans le séminaire, par les élèves mêmes, qu’elles sont déclarées contraires au catholicisme. Ils se mutinent : pour les soumettre, voici des arguments de prince, d’autres canons que ceux de l’Eglise. A la contrainte militaire, les séminaristes échappent par la fuite et portent leur résistance dans tout le pays. C’est lui-même que l’Université prend à témoin lorsqu’elle adresse aux États de Brabant une protestation solennelle contre la tyrannie qui attaque ensemble le catholicisme et les franchises. Joseph II ferme l’Université, en transporte à Bruxelles les débris domestiqués. Cet acte d’impénitence finale par lequel sont bravées à la fois les deux religions de la Belgique achève de rompre les liens entre la nation et le prince. L’époque vient où les révoltes mûrissent vile, et en 1789, peu de mois après la Révolution française, éclate et triomphe la révolution brabançonne. L’Université de Louvain, rouverte aux acclamations universelles, survit au pouvoir dont elle avait souffert, et le bref retour de fortune qui restitue en 1793 la Belgique à Joseph II laisse au souverain rétabli tout juste le temps de reconnaître lui-même la défaite de sa politique. Une déclaration impériale du 24 juin 1793 restitue à l’Université comme à la Belgique leurs antiques privilèges. L’obstination du prince cède à la constance de la race, et l’Université a été l’âme de cette constance qui fait triompher en Belgique contre la résurrection païenne du pouvoir supérieur au droit, la doctrine civilisatrice du droit supérieur au pouvoir.