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de l’or, de trouver à acheter du charbon. Alors on va bravement dans la forêt ramasser du bois mort. Les enfants rentrent de promenade avec leur petit fagot sous le bras. Le père de famille traîne une énorme bûche, qu’il débitera tout à l’heure, manches retroussées, la scie ou la cognée au poing. Ainsi se passe le temps. Les dames, de leur côté, s’éparpillent par groupes dans la prairie. On bavarde, en tricotant ou en brodant de concert. Tout l’herbage est égayé par ces jolis groupes féminins : ce sont les décamérons de la Reine de Navarre. Seulement les peupliers du Gave sont remplacés par les pins de la fontaine miraculeuse. Et, tout alentour, on entend les pépiements des alouettes et les- coups de battoirs sonores des laveuses agenouillées dans leurs baquets, au bord du torrent aux belles ondes…

Pour la plupart de ces hôtes, la grande occupation de la journée c’est encore la madone du lieu. On semble s’évertuer à lui faire « passer le temps, » à elle aussi, à la distraire, à charmer sa villégiature. A toutes les heures du jour, on va lui tenir compagnie dans son oratoire. Il est bien rare, quand on entre au camaril, de ne pas y trouver une bonne femme prosternée devant l’Image sainte, ou égrenant tranquillement son chapelet, entre les quatre anges musiciens. A huit heures, avant de s’aller mettre au lit, on se réunit chez elle pour lui souhaiter le bonsoir. On lui chante ses « goïgs, » ces vieux cantiques catalans qui sont des chants de jubilation sur un rythme tout populaire.

D’autres fois, en plein midi, grande agitation dans la cour de l’Ermitage. C’est un hôte qui s’en va. Il est d’usage qu’il aille faire ses adieux à la maîtresse de maison. On l’entoure, on le suit en cortège jusque dans le sanctuaire, où chacun prend place sur les bancs de la nef ou sur ceux de la tribune. Un prêtre ou une jeune fille ouvre l’harmonium, et l’assistance en chœur entonne le chant d’adieu à la madone, « la despedida a la Verge de Font-Romeù. » Il y a une minute d’émotion. Les yeux se mouillent, les voix tremblent, quelques-uns pleurent. Puis, à la sortie ; on se serre les mains, ou on s’embrasse sur lu seuil. Une dame protestante, de passage ici, a eu sa « despedida » fraternelle. Une autre fois, c’était un commandant de corps d’armée, un soldat illustre, qui s’en retournait au front et que les siens avaient amené là, en attendant l’heure du