Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 47.djvu/428

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que l’on ne pouvait songer à enlever sans le secours de l’artillerie. La bataille de la Somme entreprise pour rompre le front ennemi se changea, par la force des choses, en bataille d’usure. Elle nous avait donné d’ailleurs, dès les premiers jours, un grand résultat qui était sa principale raison d’être : Verdun était dégagé. Nous cessions de subir la poussée de l’ennemi, nous avions repris l’initiative.

Pourquoi, en dépit de l’ampleur de l’attaque, malgré l’accumulation d’artillerie que nous avions réalisée sur 40 kilomètres et dont l’effet, pendant un bombardement de plusieurs jours, avait supprimé sur une profondeur appréciable la faculté de résistance de l’ennemi, pourquoi n’avions-nous pu obtenir le libre passage de nos troupes ? Pourquoi les réserves ennemies s’étaient-elles trouvées là presque aussitôt et toutes prêtes à contre-attaquer ? C’est que, sauf au Sud de la Somme, l’ennemi n’avait pas été surpris. Il avait pris ses dispositions pour s’opposer à l’attaque.

Ici, nous touchons à ce que la méthode employée avait d’imparfait dans sa conception et dans son exécution. Des préparatifs aussi considérables ne peuvent passer inaperçus. L’installation des batteries, l’établissement des pistes et des voies de 60 pour le transport des munitions, la construction des ambulances, des dépôts d’armes et de matériel, des parcs d’aviation nécessitent pendant des mois une activité intense en arrière des lignes. Ces signes n’échappent pas à l’ennemi. C’est ainsi déjà que, depuis la fin de décembre 1915, nous avions suivi jour par jour les préparatifs de l’offensive sur Verdun. L’ennemi prévenu masse ses réserves, augmente la solidité de sa fortification, prévoit pour parer à toute éventualité des retranchements de soutien en arrière de ceux déjà existants, et hors de la portée du bombardement. De ce fait, toute offensive qui n’amène pas la rupture du premier coup dégénère fatalement en bataille d’usure. Celle-ci, si dure qu’elle puisse être pour le défenseur, n’en épuise pas moins les forces de l’assaillant qui peut rarement recommencer sur tout le front d’attaque des coups de massue aussi violents que le premier. Dès lors, les gains de terrain réalisés diminuent de jour en jour. Bientôt ce ne sont plus que des opérations partielles à échéance plus ou moins longue, pour la conquête de villages détruits, de hauteurs ou de plateaux permettant les vues sur l’ennemi, objectifs