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part de nous offrir des flancs aussi étendus. Que nos ennemis aient vu immédiatement à quels inconvénients les exposait cette poussée à la Marne, ceci ne fait pas de doute. Ludendorff en était à l’heure où l’on croit pouvoir tout oser contre un ennemi qu’on suppose à bout de souffle. Il savait notre pénurie d’effectifs, il venait de l’accroître encore plus en allongeant notre front de 200 kilomètres au moins. Toutes nos disponibilités devaient être absorbées, ou à peu près, par la nécessité de tenir cette ligne immense, et nos réserves diminuées d’autant. Jamais nous ne pourrions trouver la masse suffisante pour mettre en péril les flancs qu’il nous présentait.

Dans cette situation, il décide d’attaquer avec d’autant plus de hâte sur le front Montdidier-Noyon que le saillant s’est fortement accentué par suite de son avance sur la Marne. Sans aucune des précautions qui lui sont habituelles, pressé de terminer cette affaire, il pousse ses préparatifs jour et nuit.

Prévenu, le commandement français prend ses dispositions. Déjà l’on voit apparaître à cette date l’ébauche de la manœuvre du 18 juillet. Comme toujours dans cette guerre, l’adversaire cherche la parade au procédé d’attaque de l’ennemi. Ici, il s’agit d’éviter l’effet foudroyant de la préparation par obus toxiques qui met hors de cause le défenseur, en laissant une bande de terrain peu garnie de troupes ; d’empêcher, sinon la rupture, du moins la ruée illimitée en reportant la barrière plus en arrière, c’est-à-dire d’échelonner en profondeur, car c’est toujours à cela que la parade contre-offensive se ramène avec les modifications voulues par les circonstances.

On a pu constater, en effet, que, lors du 27 mai, celles de nos troupes qui, au Chemin des Dames, avaient contre-attaque aussitôt après le choc par un excès de bravoure, avaient été noyées par le flot des assaillants et annihilées du coup. La sagesse eût consisté à durer, à se replier en combattant pour tenter de s’opposer aux passages de l’Aisne, le but étant de permettre aux soutiens de se préparer. Car l’ennemi n’emploie ses réserves que lorsque le succès est obtenu, pour l’élargir et l’exploiter. Il use le plus longtemps possible de ses troupes de départ. Donc, enrayer d’abord l’avance de la première masse, puis, au moment où les troupes fraîches vont intervenir, contre-attaquer pour désorganiser le deuxième coup qui se prépare. Quoique insuffisamment mise au point, la parade donna de