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que nous pénétrons à droite, l’ennemi fait de grands progrès à gauche. Nous observons de grands mouvements de troupes ennemies contre notre position. Notre infanterie abandonne les hauteurs et notre artillerie, obligée de les évacuer, ne peut les réoccuper sous le feu violent de l’ennemi. J’ai l’impression que la situation est très critique. Les lignes françaises s’avancent sur nous. Je vois les officiers français à cheval et les troupes défiler tranquillement par deux pour prendre position. Notre artillerie ne les gêne pas. Elle est sensiblement plus faible… »


Rien ne peut donner, avec plus de réalité et de force, l’impression du succès incontestable de l’offensive française.

Il est intéressant de mettre, en face de ce récit, Celui d’un sergent français appartenant à la division qui fait reculer les Allemands. On comparera les deux manières.

L’écrivain du carnet, André Viénot, est sergent au 251e d’infanterie de réserve, division Legros :


29 matin. — Au centre du village d’Hamégicourt, le général Néraud à cheval (il commande la brigade) cause avec le divisionnaire (général Legros) qui termine ses instructions près de l’auto. Je happe la dernière phrase : « N’engagez rien pour le moment. »

On perçoit le canon à l’Ouest, notre direction de marche. L’ordre arrive de rejoindre le régiment. La montée est longue et rude au sortir du village et les hommes, égrenés sur 300 mètres, la gravissent selon leur pas que ralentit le soleil chaud. Nous avons atteint le rebord de la vallée. La plaine recommence. Le canon nous parvient mieux que dans les fonds. Une grande route plantée d’arbres, celle de Saint-Quentin (route nationale 44 de Cambrai à Châlons-sur-Marne). De tous les côtés, des betteraves (c’est la région de la Guinguette. à proximité d’Urvillers). Un coup de canon clair, sec, net ; un second : une batterie de 75 s’est établie dans un bouquet d’arbres. — « Par salves ! » Quatre flammes d’enfer, offensantes, sortent en même temps des quatre pièces et les quatre sifflements déchirent l’air comme une étoffe. Quelques secondes, l’éclatement lointain. « Qu’est-ce qu’on leur passe là-bas ? » Et ce n’est pas fini ! Il en arrive encore, des artilleurs ! .« Ligne de section par quatre ! » Nous descendons l’autre versant de la crête… Les pièces tirent encore ; et, maintenant, nous voyons sur quoi. On bombarde le village. — « En tirailleurs ! Marche ! »

L’ennemi a dû nous voir, car les obus arrivent. Inopinément sur la crête partent des coups de fusil. Une ligne de tirailleurs se lève, s’arrête, tire encore. C’est la bataille, la vraie bataille. Le capitaine