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avant-postes groupés autour d’une maison de garde du chemin de fer. Rien de suspect. Le village de Khopiorsk, un khoutor[1], a évidemment des sympathies bolchevistes. L’ataman, qui est un vieillard, n’ose ou ne veut nous donner aucun renseignement sur l’ennemi. Plus loin, dans le village de Savianofka, — une stanitza, je crois, — les vieux Cosaques se rassemblent autour de nous. Ils sont d’un autre type que les paysans. La liberté séculaire, l’habitude de porter des armes et de se gouverner en citoyens indépendants, leur ont donné fière mine sous leurs énormes bonnets de fourrure noirs. Ils nous témoignent de la sympathie, mais la propagande bolcheviste, menée par les jeunes Cosaques qui reviennent du front, dépeint le système des Soviets, — lequel, en réalité, détruira toute l’organisation traditionnelle du Don, — comme un nouvel ordre de choses dirigé uniquement contre les « grands capitalistes. » Notre chef les exhorte : « Engagez-vous : vous aurez un équipement complet, et 150 roubles par mois. » Un vieux Cosaque et son fils, garçon de quinze ans, promettent qu’ils se rendront demain au bureau de recrutement à Rostof. Ils nous avertissent que les villages suivants sont occupés par l’ennemi. En effet, à peine sommes-nous arrivés à une distance d’un kilomètre du village de Nedwikofskaya, une mitrailleuse se met à tirer et nous force à rebrousser chemin. Les villages de Malye-Saly et Bolchy-Saly sont occupés par des forces considérables, entre autres par la 4e division de cavalerie sous le colonel Davidof, — déjà nommé !

Nous retournons par le village de Saltyr, non occupé.


LES « LIBRES FILS DU DON »

Les renseignements que nous rapportons, — la présence d’une force de 3 000 Bolcheviks, puissamment munis d’artillerie et de mitrailleuses, — indiquent clairement qu’il faut nous préparer à la retraite. Koutiepov téléphone ses craintes à l’état-major. Mais on nous répond que tout le pays du Don, électrisé par la fin tragique de son ataman, se lève en masse, et que nous recevrons, dès ce soir, des renforts. En effet, à

  1. Les Cosaques habitent dans les stanitzas, villages plus prospères, et représentés dans le gouvernement du Don. Dans les khoutors, en général misérables et pauvres, habitent les paysans, dépendant des Cosaques, et privés des droits de libre citoyen.