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que la spéculation et l’accaparement illicites, ces champignons vénéneux qui poussent, depuis l’antiquité, sur le terrain ensanglanté des guerres. Les moyens d’agir contre eux ? Ils sont faciles à imaginer et je n’ai pas à les indiquer ici : il y suffirait de la volonté et du courage et que, des qualités d’audace, de détermination, qui, à une heure critique, ont fait de M.  Clemenceau le pilote immortel de ce pays, quelques miettes tombassent sur tous ses satellites ministériels. Malheureusement, la proportion de la lumière du soleil réfléchie par les planètes qui gravitent autour de lui est souvent faible.

Non moins étroitement que la précédente, la question, l’angoissante question de l’alcoolisme se pose au seuil de la lutte sociale antituberculeuse, en particulier en ce qui concerne le rôle de l’alimentation dans cette lutte.

Lord Rosebery disait en 1895 : « Si l’État ne se hâte pas de devenir le maître du commerce des liqueurs, le commerce des liqueurs deviendra le maître de l’État. » Il semble que cette prédiction soit aujourd’hui réalisée. Mais il ne faut jamais désespérer devant l’ennemi ; nous venons d’en faire, dans l’ordre militaire, la glorieuse expérience. Dans l’ordre social il ne tient qu’à nous de la faire aussi. Avant de voter là-dessus de nouvelles lois, il faudra commencer par appliquer celles qui existent, ce qu’on ne fait guère. Je ne veux pas insister aujourd’hui sur ce terrible problème qui a déjà été à diverses reprises traité magistralement dans cette Revue et notamment par mon regretté maître Dastre[1].

Cependant quelques points essentiels ne peuvent être passés ici sous silence.

Nous avons vu que le logement de l’ouvrier manque trop souvent du confort et des conditions hygiéniques indispensables, — car, comme nous l’avons dit, la loi sur l’hygiène n’est guère appliquée en ce qui le concerne. — Ne parlons même pas, pour lui du « superflu, chose si nécessaire, » comme dit finement Voltaire. Et pourtant, l’ouvrier anglais ou américain connaît ce confort et cette hygiène dans sa maison particulière qui est pourvue, comme on le sait, d’une salle de bains, par exemple. Donc, après son dur travail, l’ouvrier français est trop souvent porté à éviter de rentrer dans son home inconfortable et de lui préférer le cabaret ou l’assommoir de bas étage, que l’on a osé, par un singulier abus des mots, appeler « le salon du pauvre. »

  1. Voyez dans la Revue du 1er août 1899 : Dastre, La lutte contre l’alcoolisme.