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dans les bas-reliefs de la chaire de Pise et dans l’œuvre de Nicolo Pisano. Les origines de cette œuvre, si longtemps considérées comme un problème, ont été parfaitement élucidées par les travaux d’un des savants dont la mort est une des pertes irréparables de la guerre, le regretté Emile Bertaux. Mais le problème de la chaire de Pise n’est pas un problème isolé. Notre Visitation de Reims pose la même question avec plus de puissance encore. Ce qui avait été l’ancien monde romain demeurait pénétré, à un degré que nous ne soupçonnons plus, de restes et de semences antiques ; partout se trouvaient des tombeaux, d’anciennes voies romaines, des arènes en ruine, des traces de nécropoles, de thermes et de villas. Partout se vérifiait dans les décombres de l’ancien Empire le vers du prophète Virgile :


Grandiaque effosis mirabitur ossa sepulcris.


Combien de fois a dû se répéter au moyen âge l’anecdote dont témoigne la légende de la Vénus d’Ille, ou celle que rapportent les mémoires de Ghiberti et sur laquelle M. Paul Bourget vient encore de construire la fable si ingénieuse de sa Némésis !

A Reims même, métropole de la Gaule Belgique, se voit toujours la porte triomphale appelée Porte Mars ; à Soissons s’élevait au temps de Syagrius le fameux Palais d’albâtre, que décorait le groupe des Niobides. Que restait-il au temps de saint Louis, de ces chefs-d’œuvre et de tant d’autres que les progrès modernes, autant que les barbares, ont effacés de la terre ? Nous voyons en tout cas que ces restes étaient plus nombreux qu’aujourd’hui : ici encore, les temps modernes ont moins bien conservé que n’avait fait le moyen âge. Villard de Honnecourt ne manque pas, dans son album, de copier sur son chemin une statue antique, comme Ambrogio Lorenzetti devait, un peu plus tard, dans sa fresque de Sienne, copier une statue de la Paix que nous avons perdue. La cathédrale de Reims, longtemps avant le groupe de la Visitation, nous montre des sculptures inspirées de l’antique. On se rappelle ces statues, ces beaux tympans du portail Nord qui, tout à l’heure, nous intriguaient par des marques singulières du caractère antique ; Les apôtres se drapaient comme des proconsuls. et leurs têtes barbues rappelaient quelque buste d’Eschine ou de Démosthène.