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opposés, ne pourraient plus s’en remettre au roi de Prusse du soin de les désigner ; car sans cela c’en serait fait de l’autonomie de leurs États. Or, une entente sur le choix des personnes deviendrait presque toujours impossible entre les vingt-cinq États de l’empire. Que si l’Empereur seul désignait ses collaborateurs, les conflits entre ce gouvernement fatalement prussianisé et les gouvernements des États représentés au Bundesrath se multiplieraient à l’infini.

Puisque nous sommes dans le domaine des hypothèses, admettons un instant que Reichstag et Bundesrath créent un ministère d’empire et que l’Empereur soit obligé de choisir les membres de ce ministère dans la majorité du Reichstag. D’abord cette majorité n’existe pas. Aux oppositions politiques, confessionnelles, économiques et sociales, que nous avons trouvées au Landtag prussien, s’ajoutent, dans le parlement d’empire, les rivalités particularistes. Que si, malgré toutes ces difficultés, un cabinet de concentration était constitué, qu’arriverait-il ? Toute crise gouvernementale aurait immédiatement son contre-coup dans les États particuliers, surtout en Prusse.

Il est de tradition en Allemagne que le chancelier soit en même temps président du conseil des ministres en Prusse. La séparation personnelle entre ces deux fonctions, qui vient d’être tentée, n’est pas tenable, la Prusse devant, comme État présidial de la Confédération, présenter tous les projets de lois an Conseil fédéral. Cela posé, supposons que le Reichstag mette le chancelier en minorité, il en résultera qu’une crise ministérielle sera du même coup ouverte en Prusse et vice versa le Landtag prussien, infligeant un blâme au président du conseil, son vote ; entraînera une crise de chancellerie dans l’empire. Ce serait la plus invraisemblable confusion, la plus prodigieuse instabilité, l’enchevêtrement le plus dangereux des compétences.

Le même phénomène se produirait dans les autres États toutes les fois qu’un conflit d’une certaine gravité éclaterait entre le ministère d’empire et la majorité du Conseil fédéral. Ou bien le chancelier et ses collaborateurs devraient alors se retirer, ou bien les princes confédérés seraient contraints de changer leurs ministères. Voici donc les conclusions qu’il faut tirer des derniers événements. Pour donner satisfaction à l’opinion publique en Allemagne et surtout pour induire en erreur les Puissances de l’Entente, l’Empereur a confié quelques