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postes de secrétaires d’Etat à des membres du Reichstag[1]. Ce n’est pas une innovation. Déjà M. de Miquel avait passé d’un strapontin parlementaire à un fauteuil gouvernemental, il y a une quinzaine d’années et, depuis le début de la guerre, nous avons vu Mme Spahn et Friedberg recueillir des portefeuilles de ministres. Il est vrai que ces anciens députés, promus ministres, avaient dû préalablement déposer leurs mandats législatifs.

Cette fois si le Conseil fédéral consent à la suppression du paragraphe 9 de la Constitution, les nouveaux conseillers de Guillaume II pourront appartenir en même temps au Reichstag et au Bundesrath, pendant la durée de leur passage à la direction des affaires. Encore resteront-ils, comme secrétaires d’Etat, les simples subordonnés du chancelier et devront-ils, au Conseil fédéral, voter sur ordre.

Le socialiste Scheidemann, par exemple, sera contraint ou de démissionner ou de soutenir, le cas échéant, devant le Reichstag, les projets de loi du chancelier, même si personnellement il les réprouve. Si d’un autre côté une loi adoptée à sa demande par le Reichstag est combattue par la Prusse, il sera forcé par le bulletin de vote, qui théoriquement lui est attribué au Bundesrath, mais dont il ne dispose pas librement, de la faire repousser par l’assemblée souveraine.

C’est la bouteille à encre, comme on le voit. Les Allemands savent à quoi s’en tenir ; mais ils pensent, en provoquant cette confusion, tromper les Alliés sur la portée de réformes, qui n’en sont pas ou qui, du moins, n’ont qu’une valeur très approximative et essentiellement précaire.

L’Allemagne ne se démocratisera sérieusement que si les

  1. D’une note, parue le 6 octobre dernier, dans la Gazette de l’Allemagne du Nord, organe officiel du chancelier, il ressort qu’une fois de plus le gouvernement prussien tient, avant tout, à gagner du temps et que les concessions faites aux circonstances gardent un caractère à la fois précaire et dilatoire. Voici cette note curieuse : « Si essentielles que doivent être les transformations que va subir le gouvernement, on ne saurait perdre de vue qu’elles ne peuvent être immédiates. Le régime présent se perpétuera encore dans les formes qui sont observées pour la nomination des ministres. L’Empereur conserve, en effet, les droits que lui assure la Constitution. Même dans les partis de gauche qui ont depuis longtemps inscrit en tête de leurs programmes la parlementation du gouvernement impérial, on se rend parfaitement compte que nous n’avons pas à modifier notre Constitution d’après les modèles étrangers, mais que nous devons nous laisser guider uniquement par les besoins et les conditions qui nous sont propres. »