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française de l’an XI, la rupture d’équilibre qui s’est produite, de 1871 à nos jours, par suite de l’adoption, dans la plupart des grands pays du monde, de l’étalon d’or. Ce n’est qu’après avoir résumé ces événements multiples et divers, après avoir remis sous les yeux du lecteur quelques données relatives à la production des deux métaux précieux, que nous pourrons comprendre et expliquer ce qui s’est passé sur ce domaine depuis la déclaration de guerre. Nous montrerons ensuite l’effet inattendu de la hausse des prix sur les entreprises aurifères. Nous essaierons, en manière de conclusion, de prévoir, ce que l’avenir nous réserve à cet égard, à quels événements monétaires nous devons nous attendre au lendemain de la paix. Nous nous demanderons si ces perspectives ne devraient pas nous dicter certaines résolutions immédiates, de nature à la fois à soulager nos budgets dans le présent et à leur éviter des mécomptes dans l’avenir.

L’or et l’argent sont loin d’avoir été dans le passé et même d’être dans le présent les seules matières constitutives de la monnaie. Mais, déjà dans les civilisations grecque et romaine, ils tenaient une place prépondérante. Cette importance n’a fait que s’accentuer au cours du Moyen âge et des temps plus récents. Les grandes sources auxquelles se sont alimentées les nations modernes sont les deux Amériques, qui ont été, depuis quatre siècles, leurs principaux fournisseurs d’or et d’argent. A partir du moment où Christophe Colomb eut découvert le Nouveau Monde, une production annuelle ininterrompue augmenta sans relâche les stocks monétaires du globe. D’autres régions, l’Australie, l’Afrique du Sud, le Japon, la Chine, l’Inde, la Sibérie apportèrent leur contingent, en sorte que le ravitaillement monétaire des nations ne s’arrêtait pas. Celles-ci avaient d’ailleurs, sous ce rapport, des besoins croissants à satisfaire, tant en raison du développement de leur population que de celui de leur richesse. Considérons les Etats-Unis, dont la population, de 1873 à 1914, a augmenté d’à peu près 40 pour 100. Pendant la même période, le stock monétaire d’or et d’argent a passé de 3 à 26 dollars par tête : il s’est donc accru dans la proportion de un à huit par habitant, ce qui veut dire que le total en est aujourd’hui douze fois supérieur à ce qu’il était il y a une quarantaine d’années. Cette accélération de la constitution des