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ministres des Finances, les gouverneurs des Instituts d’émission n’avaient qu’une crainte : celle de se voir accablés sous un déluge d’écus, dont chacun cherchait à détourner le flot menaçant sur son voisin.

Chez nous, la Banque de France se félicitait chaque fois qu’un bilan constatait une diminution de l’encaisse d’argent. Nous transformions nos écus en monnaies divisionnaires, nous en expédiions le plus possible dans nos possessions d’Afrique. Au début de la guerre, le stock d’argent de la Banque qui, vers 1890, était encore de 1 200 millions, était descendu à 600 millions. Aujourd’hui, il est tombé à 1 100 ; et, si la Banque le voulait, il serait réduit demain à zéro, puisque le public absorberait volontiers tout ce qu’on lui donnerait en fait de monnaies d’argent. Il les thésaurise d’une façon irréfléchie, comme il thésaurisait, en 1914, les pièces d’or dont, sous l’influence d’une campagne patriotique, il a rapporté la majeure partie à la Banque de France, comme il thésaurise encore les billets. Il faut espérer que, mieux éclairés et avertis, nos compatriotes comprendront que ces accumulations de réserves monétaires, non seulement ne leur sont d’aucune utilité, mais nuisent à l’intérêt national.

En tout cas l’Etat n’a aucune raison de favoriser les retraits en continuant les frappes. Notre circulation est plus abondamment pourvue d’instruments d’échange et de paiement que jamais : l’émission de la Banque de France est quintuple de ce qu’elle était à la veille de la guerre. En admettant que la disparition momentanée de l’or exige 2 milliards de billets de plus qu’en 1914, que, par suite de l’habitude prise de régler la plupart des transactions au comptant et de la hausse générale des prix, il en faille quatre ou cinq supplémentaires, on voit que le chiffre actuel de 30 milliards de billets dépasse les besoins de nos échanges intérieurs. Ce n’est pas eux qui réclament les millions de pièces divisionnaires que la Monnaie fournit sans relâche ; ou plutôt, s’ils les réclament, c’est que les pièces, au lieu de rester en circulation, sont enfermées dans des serres où elles demeurent stériles. Il convient donc d’en arrêter la frappe, qui coûte d’autant plus cher au Trésor que le cours du métal monte davantage. Alors que le prix se maintenait à un niveau qui semblait bas et qui était en tout cas très éloigné du pair monétaire, l’inconvénient était moindre. On pouvait