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d’un milliard de francs d’or, c’est-à-dire plus des deux cinquièmes du chiffre maximum, 2 500 millions, qui eut jamais été enregistré dans les annales humaines et qui correspond à l’année 1915. Si l’on ajoute que la Russie s’inscrivait pour environ 150 millions de francs, soit 6 pour 100 de ce total, on voit que les Puissances de l’Entente récoltaient sur leurs territoires plus des neuf dixièmes de l’or produit dans le monde. Est-ce la constatation de ce fait qui a amené certains théoriciens allemands, comme M. Bendixen, à déclarer que l’humanité pourrait fort bien se passer d’or ? Il a seulement oublié de nous indiquer la substance qui devrait alors servir d’étalon.

En attendant, l’or est demandé de toutes parts et a donné lieu, depuis quatre ans, à des migrations imprévues. Au début des hostilités, de fortes quantités en ont été expédiées d’Amérique en Europe ou au Canada pour compte anglais afin d’y rembourser les crédits que les Etats-Unis s’étaient fait ouvrir en Angleterre et en France. Bientôt ces deux Puissances durent envoyer le métal précieux de l’autre côté de l’Atlantique afin d’y acquitter le prix des vivres, des armes, des munitions qu’elles y achetaient. Un courant semblable s’établit vers les pays neutres, tels que la Hollande, la Scandinavie, l’Espagne qui, devenus les fournisseurs des belligérants, voyaient l’or affluer dans leurs caisses ; la Suède déchargea même un jour sa banque d’émission de l’obligation de délivrer des billets en échange du métal qu’on leur apportait. Mais, en dehors de ce que l’on peut appeler des accidents, l’or n’a pas cessé d’être recherché avec d’autant plus d’ardeur que la question de la production s’est posée dans les termes que nous avons indiqués plus haut. Les premiers échos nous en sont venus de l’ancienne république boer, si loyalement ralliée à l’empire britannique : ce pays, tout en contribuant le plus largement à approvisionner le monde, est un de ceux où la teneur des minerais est la plus faible, et, par conséquent, la marge de bénéfices la plus étroite. C’est quelques francs par tonne qui, pour beaucoup de ces gisements, séparent le prix monétaire de l’or de ce qu’il faut dépenser pour l’arracher aux entrailles de la terre et le fondre en lingots.

Or, tous les éléments du prix de revient, charbon, matières premières, machines, salaires des ouvriers blancs et noirs, ont subi l’effet du renchérissement universel. Beaucoup de mines sont arrivées à la marge des profits ; plusieurs l’ont dépassée ;