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Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 48.djvu/256

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la maîtrise des mers. Elle, parmi les autres peuples, qui se levaient d’une seule contrée et venaient combattre sur une seule, apparaissait multiple et douée d’ubiquité.

Dans la lutte mondiale, choisir, comme la plus digne d’attention, la guerre soutenue par les Anglais, était donc une préférence justifiable aux yeux d’un observateur impartial. Et l’impartialité ne semble pas aux Anglais une vertu quand il s’agit d’eux-mêmes. L’univers est le plus grand miroir qui leur renvoie leur image, et c’est elle surtout qu’ils y contemplent. Cette curiosité ne lasse pas leur regard, ni cette prédilection n’embarrasse leur conscience. Ils associent à une scrupuleuse et habituelle probité de jugement, la certitude qu’en eux seuls la nature humaine a trouvé sa plénitude, son équilibre, et qu’au mieux doué des non Anglais manquera toujours l’achèvement de la perfection : être Anglais. Anglais, Kipling jouit de sa race. Il a fait le tour du globe, et prolongé des séjours en divers pays, mais comme pour accroître, par la comparaison, son attachement à son origine. Et, bien qu’il ait à un degré rare pour un Anglais, la courtoisie de l’intelligence envers ceux d’autre race, les comprendre n’est pas les préférer. Son cœur avait inspiré son intelligence quand, en pleine paix, pour célébrer la force guerrière, il avait choisi, parmi tous les types du soldat, le mercenaire anglais, comme le plus vaillant, le plus discipliné, le plus noble, le plus pittoresque, le plus gai et le plus confortable ouvrier dans le métier de tuer et d’être tué. A plus forte raison, était-il naturel qu’en pleine guerre le peintre des énergies nationales tînt ses regards fixés sur l’arme principale du principal champion dans la lutte, sur la puissance navale de l’Angleterre.

Il n’eût pas été non plus lui-même si, dans cette puissance navale, il n’avait pas été droit aux formes encore nouvelles pour tous et qu’il ferait, d’ignorées, populaires. Ici les conjonctures se trouvèrent d’accord avec son attraction. Un service, inconnu la veille, devenait dès les hostilités essentiel pour toutes les marines, et, plus que pour toutes les autres, pour la marine présente partout où des vagues peuvent porter des navires.

Jusque-là, la surface des flots seule était pour les flottes le chemin et le champ de bataille. C’est à cette guerre de surface que toutes s’étaient adaptées. Entre les ennemis, visibles les