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uns aux autres sur l’horizon plat de la mer, l’avantage se disputait et se bornait à employer l’artillerie la plus puissante, à agir le plus efficacement par le choc, à mettre les coques à l’épreuve du bélier et du canon. Ces efforts aboutissaient tous à un accroissement continu de masses et de vitesses. La conséquence fut que la supériorité navale tendit à se concentrer en types de plus en plus gigantesques, de plus en plus chers, et de moins en moins nombreux.

Malgré que l’Allemagne eût activement poussé la construction de ces colosses, elle n’en avait pas assez pour courir les chances d’une lutte contre l’Angleterre. Aussi, à l’ouverture des hostilités, la marine allemande s’enferma dans ses ports autour desquels la vigilance anglaise tenait la mer. C’est à cette captivité impuissante que l’Allemagne voulut échapper par des tactiques nouvelles. Contre les machines de guerre qu’elle désespérait d’égaler, il lui fallait un instrument de destruction moins coûteux et plus rapide à créer. Elle en employa trois : l’avion, la mine et le sous-marin. Dès lors, la surface des mers n’était plus seule dangereuse, mais, en outre, les profondeurs du ciel et des eaux. Que d’elles tombât la bombe ou surgît le submersible, contre ces périls nouveaux pas de défense, sauf draguer les chapelets de mines et détruire à coups de canon les aéronefs et les sous-marins. Certes, les grands navires de guerre étaient capables de l’une et l’autre manœuvre. Mais, s’ils se protégeaient eux-mêmes, une inattention, une maladresse, une lenteur mettrait une grande puissance et une grande richesse à la merci d’adversaires minuscules : risque trop cher. Pour draguer les mines, pour mitrailler les avions et les sous-marins, des bâtiments petits de taille, simples de structure, rapides d’évolutions agiraient autant et exposeraient moins. La raison qui avait décidé l’emploi de ces minimes instruments pour l’attaque des plus puissantes flottes concluait à la défense de ces flottes par les mêmes moyens. Ainsi se trouvèrent-elles couvertes les unes contre les autres par une interposition et une mêlée d’engins imprévus, improvisés, derrière lesquels elles demeuraient sauves et inactives. Mais cette inactivité n’était pas permise aux navires de commerce : car la guerre devait être alimentée par les transports continus de matières et de subsistances. Pour toutes les nations, les principaux, pour l’Angleterre la totalité