Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 48.djvu/322

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous voyons, devant ce même Verdun, l’armée et la patrie atteindre à leur plus grandi développement de force, atteindre, nous en sommes certains, à la victoire. Il viendra le jour où succombera la sainte Ilion. Et nous chantons avec Homère : Il viendra le jour où Verdun succombera devant nos troupes… — Thème des annexions : « Les territoires flamands et français que nos armées combattantes tiennent en leur pouvoir, correspondent très exactement aux frontières de l’ancien Empire allemand. Pendant des siècles, le duché de Lorraine a été allemand ; il a fallu les années de faiblesse de l’Empire pour qu’on nous l’arrachât… » Le discours se termine pur des appels enflammés à la concorde, au dévouement, au patriotisme, au mépris des biens matériels, à la crainte du Seigneur, etc. (Kœlnische Zeitung, 8 mai 1916.)

La presse est pleine d’homélies où l’on rappelle aux Allemands que leurs doutes et leurs lamentations sont peu dignes d’un peuple à qui incombe la mission providentielle d’enseigner au monde la discipline et la morale. Un pasteur écrit dans la Tæglische Rundschau, le jour de la Pentecôte : « La fête de la Pentecôte doit être célébrée comme la fête de l’Esprit allemands… Le destin de la pensée allemande est lié à l’histoire des progrès et des conquêtes de la chrétienté dans le monde… Désormais l’Esprit Saint et l’Esprit Allemand sont inséparables… » Et tous les vieux pangermanistes déploient leur phraséologie traditionnelle.

A côté de ces dissertations grandioses, les journaux publient une quantité d’articles beaucoup plus terre à terre où l’on prêche simplement au peuple la patience ; la résignation, la nécessité de « tenir. » C’est à travers ces prédications qu’on peut discerner le véritable état moral de l’Allemagne au milieu de l’année 1916.

Les événements militaires qui se succèdent alors sur les différents fronts, — la bataille de la Somme, l’offensive de Broussiloff ; l’avance des Italiens, — ne sont pas faits pour relever les courages. L’Etat-major peut prodiguer les communiqués rassurants, affirmer que l’attaque anglaise en Picardie a échoué, énumérer les victoires de Lissingen sur le Styr et de Bothmer sur la Strypa ; la presse peut célébrer l’entrée du sous-marin commercial Deutschland dans le port de Baltimore : il n’en est pas moins manifeste que la France continue