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Inutile de regarder en arrière. Aujourd’hui, nous avons deux fois le droit de dire que nous leur faisons une guerre défensive. Ils veulent détruire l’Allemagne ; il y va donc de notre existence, du salut de la patrie. »

Trois jours après la séance du Reichstag où le Chancelier a proposé la paix, les troupes du général Mangin sont victorieuses devant Verdun, dégagent la place et font 12 000 prisonniers. À cette réponse des « bons ambassadeurs de la République » s’ajoutent bientôt les déclarations des ministres français, anglais et russes. Le gouvernement allemand peut dès lors développer sa manœuvre. Tous les journaux, des pangermanistes aux socialistes, entonnent à l’unisson le thème de la guerre à outrance. L’Empereur, Hindenburg, les chefs des partis politiques le reprennent dans leurs discours.

Sur ces entrefaites survient un incident qui, pendant quelques jours, déconcerte un peu les maîtres du chœur. Le président Wilson demande aux belligérants de faire connaître leurs buts de guerre. Le peuple a entrevu la possibilité d’une médiation américaine, et voilà les espoirs de paix qui renaissent ! Il serait peut-être dangereux de leur porter un coup trop brutal. Le ton de la presse se radoucit un instant. Mais les influences pangermanistes l’emportent, Guillaume II et Charles Ier adressent à leurs armées une proclamation enflammée.

La réponse des gouvernements de l’Entente au président Wilson, contenant l’exposé de leurs conditions de paix, est tout de suite exploitée par les meneurs de la campagne. Comme ce document met au premier plan la question belge, qui divise les Allemands eux-mêmes, il est indispensable de déchaîner immédiatement un grand mouvement de colère patriotique. « L’arrogance, l’impudence, l’esprit de mensonge et l’hypocrisie caractérisent la note par laquelle la Décuple Entente vient de répondre à l’offre de ses bons offices faite par M. Wilson ; pourtant nous ne voulons pas nous en indigner : les gouvernements de l’Allemagne et des pays alliés devraient multiplier cette note par millions d’exemplaires, pour qu’on l’encadre et qu’on la pende aux murs de tous les palais et de toutes les chaumières ; ses auteurs nous ont rendu un service qu’on ne saurait trop hautement apprécier. Pour tout Allemand et toute Allemande dont le cœur garde la moindre trace d’honneur et de dignité, un regard jeté sur ce document à jamais