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Congrès les pleins pouvoirs. Dès les premiers jours de mars, le conflit est certain.

Après quelque résistance, l’opinion finit, comme toujours, par abdiquer. D’ailleurs elle est convaincue que la guerre sous-marine, telle qu’on va désormais la pratiquer, doit assurer en quelques mois la victoire de l’Allemagne et la paix, — toujours la paix !


LE REPLI « STRATÉGIQUE » DE HINDENRURG

Le communiqué du 1er mars annonce à l’Allemagne que les troupes sont en retraite sur l’Ancre. Ce coup de théâtre cause une amère surprise. Depuis quelques jours, la presse répétait qu’une grande offensive franco-anglaise était imminente ; quarante-huit heures auparavant, le critique militaire Salzmann écrivait : « On peut le dire avec une calme assurance : jamais nous n’avons été si forts et si prêts ; » et voici que, soudain, l’on apprend que l’année abandonne ses positions !

L’Etat-major n’en donne la nouvelle qu’avec toutes sortes de précautions. Les journalistes affirment que, dès le 20 février, le plan de l’opération leur a été confié sous le sceau du secret, qu’il s’agit donc d’un repli tout volontaire ; ils rapportent que ce mouvement s’est exécuté dans un ordre admirable, à l’insu de l’ennemi ; ils laissent entendre que cette « prouesse militaire de premier ordre » doit être le prélude « d’événements grandioses ; » ils invoquent d’innombrables exemples tirés de l’histoire militaire et citent abondamment Clausewitz et Bernhardi. L’opinion n’en est pas moins désorientée, et il faut lui rappeler que cette retraite a été voulue et ordonnée par Hindenburg. « Les décisions de Hindenburg sont de celles qu’on ne discute pas ; elles s’imposent comme des nécessités. Ce sentiment naît du souvenir de ses exploits, il s’attache à toute son activité militaire. Hindenburg a pu prescrire des marches en retraite qui prirent l’allure de marches à la victoire. Il peut ordonner actuellement l’évacuation de notre position de l’Ancre : c’est sur le terrain un pas en arrière ; c’est, dans l’ordre de la pensée militaire, un pas en avant vers le triomphe de nos armes. La force secrète du génie ne réside pas seulement dans les actes qui l’extériorisent, elle se traduit par l’influence secrète sur la foule anonyme qui observe, juge, exécute. Le génie stratégique peut réclamer de la troupe ce que le talent n’ose pas demander,