Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 48.djvu/338

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parce qu’il obtient des succès là où le talent serait condamné à l’échec. Le génie stratégique crée en nous la confiance, même si nous cessons de comprendre, surtout si nous cessons de comprendre, car celui qui comprend n’a plus besoin d’avoir la foi. » (Frankfurter Zeitung 13 mars.)

Quelques jours plus tard, la foule comprend moins encore, lorsque le repli s’étend d’Arras jusqu’à l’Oise. On daigne lui expliquer que ce mouvement génial a pour but de créer, en avant des positions allemandes, un glacis désert où l’ennemi sera incapable de préparer aucune attaque. Dès maintenant, dit-on, l’offensive projetée par les armées anglaises est « morte avant d’avoir vécu, » tandis que de ses lignes nouvelles l’armée allemande pourra bondir pour une nouvelle opération… D’ailleurs Hindenburg en a ainsi décidé.

Les dévastations exécutées par les troupes en retraite gênent un peu le public allemand, non pas qu’il désapprouve des ravages qui ont été ordonnés par Hindenburg et qui, d’ailleurs, flattent sa barbarie native, mais il sait que l’ennemi va s’empresser de dénoncer encore les crimes de la Germanie, et ces accusations l’atteignent cruellement dans son orgueil de faux civilisé. Aussi de longs récits de ces dévastations remplissent-ils les journaux. Villages incendiés, maisons pillées, jardins et vergers détruits, toutes les atrocités y sont énumérées et décrites comme à plaisir : la sauvagerie du lecteur y trouve son compte ; mais, en même temps, — ceci est à l’adresse des neutres, — il y est abondamment démontré que les nécessités de la guerre exigèrent toutes ces horreurs, et que le bon, l’honnête Michel allemand s’y résigna, les larmes aux yeux, parce qu’il est un soldat consciencieux et discipliné. Dégoûtant mélange de férocité et de sensiblerie qui est le tout de l’Allemand.


DÉSARROI DE L’OPINION (AVRIL-JUILLET 1917)

Désormais le moral allemand n’a plus qu’un soutien : la confiance en Hindenburg. Celui-ci a su faire accepter la guerre sous-marine sans restriction et ses redoutables conséquences. La seule vertu de son nom a dissipé l’angoisse qu’avait fait naître le repli des armées en Picardie. Durant les mois qui suivent, les plus ducs que l’Allemagne ait encore traversés, cette autorité grandira à mesure que les périls deviendront