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cessions se feront en partie par des sociétés d’État ou des centrales contrôlées par l’Etat, et en partie librement ; les empires du Centre livreront de leur côté les excédents de leur production industrielle en articles qui manquent à l’Ukraine. Pour l’ensemble des relations économiques et jusqu’à un délai de six mois après la signature de la paix générale, les anciens traités de commerce qui liaient la Russie et qui contenaient la clause de la nation la plus favorisée, seront remis en vigueur et complétés par le libre transit, naguère interdit par les Russes, des marchandises du centre vers la Perse. Dans l’intervalle, de nouvelles conventions seront négociées ; mais, dans la négociation, l’Ukraine ne pourra pas se prévaloir des avantages de tarifs que les Empires centraux se seraient consentis entre eux ou auraient concédés à d’autres puissances avec lesquelles, limitrophes ou non, ils auraient conclu une « alliance économique, » si bien que le traitement de la nation la plus favorisée ne jouera qu’au profit de ces empires, contre l’Ukraine et contre les tiers.

« C’est la paix du pain, » proclama le comte Czernin, encore ministre des Affaires étrangères de la monarchie dualiste. On sait qu’elle ne procura pas le pain aux affamés du Centre. Par contre, l’hypothèque prise sur l’avenir recevait toute sa valeur : c’était, savamment organisé, le marché des vaincus monopolise par les vainqueurs.

Mêmes préoccupations, mêmes précautions et mêmes clauses à l’égard de la Russie du Nord. De ce côté, où l’on était sans doute un peu mieux informé qu’à Kiew, il y eut bien un simulacre de résistance : les bolcheviks firent observer doucement, avec des gémissements appropriés, que les anciens tarifs douaniers qu’il s’agissait de ressusciter avaient été infiniment plus avantageux à l’Allemagne qu’à la Russie. Cette protestation n’eut d’autre résultat que d’aggraver les conditions imposées par M. de Kühlmann : les tarifs anciens dureront jusqu’en 1925, alors même que la paix générale interviendrait longtemps auparavant ; l’Afghanistan profitera du libre transit stipulé en faveur de la Perse ; les charbonnages du Spitzberg seront aménagés de manière à être contrôlés par l’Allemagne ; les sujets allemands continueront à toucher les rentes russes récemment répudiées par les bolcheviks, et ils seront indemnisés des autres dommages de guerre subis par eux…