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moyen de protéger l’ouvrier allemand contre la concurrence des Slaves, Italiens, Africains ou Chinois.

A Wurzbourg, où l’on était entre soi, car il s’agissait des assises solennelles du seul socialisme allemand, on fut plus clair et plus expressément national. La participation à toute guerre est pour nous, dit Ebert, « une question non pas de principe, mais bien de tactique, » et le congrès vota la liberté pour les élus du parti de continuer à consentir les crédits militaires. Il nous faut, précisa David, « suivre une politique qui, à l’égard de la paix, convainque le peuple allemand que ce sont nos ennemis qui prolongent la guerre ; il nous faut rassembler les pacifistes de tous les pays, tandis que les armées allemandes continueront leur pression sur les troupes ennemies ; » l’Alsace-Lorraine, s’exclama Scheidemann, fait partie intégrante de l’empire, » et, ajouta Immel, « la richesse de ces provinces en matières premières est une raison suffisante pour nous imposer le devoir de les garder ; » puis le congrès, tout ému par cette éloquence, repoussa par 258 voix contre 26 une motion dissidente disant que la paix ne sera possible qu’après qu’on aura brisé la résistance des grands capitalistes et du militarisme.

Ces divers votes se résumaient dans cette signification dédaigneuse aux bolcheviks, faite dès novembre par le Vorwærts, organe officiel du parti : « Si l’on ne concluait la paix que lorsque le prolétariat aura été victorieux dans tous les pays, on prolongerait la guerre encore plus que les pangermanistes eux-mêmes avec leurs buts annexionnistes. Les peuples ne veulent pas attendre jusqu’à ce que l’Alsace-Lorraine soit française ou la Belgique allemande, mais ils ne veulent pas non plus attendre jusqu’à ce que les "derniers vestiges de la bourgeoisie aient disparu complètement : cela pourrait durer trop longtemps… ! Nous avons aussi des conquêtes à défendre ; nous avons aussi un avenir devant nous, et nous ne voulons pas laisser se perdre et se briser les forces dont nous avons besoin. Voilà pourquoi nous combattons. »

Après cela, que pouvaient valoir les protestations périodiques des socialistes majoritaires en faveur du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, ou même leur insistance spasmodique à réclamer pour la Prusse l’égalité du droit de vote et, pour l’Allemagne, quelque autorité morale aux interventions parlementaires ? L’accord pouvait se faire, en effet ; il