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tempérament, le professeur von Schultze-Gœvernitz, préconisait de son côté la clause de la nation la plus favorisée, la liberté d’approvisionnement en matières premières, le régime de la « porte ouverte » dans toutes les colonies européennes.

Opinions individuelles que tout cela ? Oh ! que non pas ! Les ambitions démesurées du général von Licbcrt étaient celles-là mêmes de la Ligue pangermaniste ; celles du professeur von Schultze formaient partie intégrante du manifeste inaugural de la « Ligue du peuple pour la liberté et la patrie », que les groupes de gauche venaient de créer pour faire contrepoids aux intempérances des annexionnistes outranciers ; un mémoire confidentiel des métallurgistes allemands[1], daté du 18 décembre 1917, et 1res fortement documenté, établissait l’inéluctable nécessité pour l’Allemagne de conserver définitivement le bassin métallique de Briey, si elle voulait recouvrer sa puissance militaire, sa force économique, la prospérité de la classe ouvrière et ne pas se trouver démunie pour la prochaine guerre.

C’est à toutes ces revendications que le prince impérial faisait allusion lorsque, au début de janvier, il promettait à quelques syndicats ouvriers « une bonne et honorable paix qui assurera aux ouvriers allemands les conditions d’une vie heureuse et le libre développement de leurs forces sur le sol même de la patrie. » Le comte Hertling n’en ignorait rien non plus, quand, encore président du conseil bavarois, mais à la veille d’être promu chancelier impérial, il disait sournoisement dans un discours de fin novembre, à Munich : « En admettant la victoire de l’Entente, c’est l’Amérique qui prendrait dans le monde une place prépondérante ; c’est elle qui dominerait les mers et dirigerait le commerce mondial. Amérique contre Europe : tel est le caractère que, par la faute de l’Entente, la guerre menace d’assumer de plus en plus. Conséquemment, les Puissances centrales et leurs alliés ne combattent plus pour elles seules ; elles combattent pour l’indépendance de l’Europe contre un empire colonial devenu trop puissant. »

Telles avaient été les dispositions des divers partis allemands au moment où s’ouvrirent les négociations de Brest-Litovsk. On reconnaîtra que les positions des partis

  1. Edité en France, Berlin 1918, par les soins de la Fédération des Industriels et Commerçants.