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ses forces au service de cette cause. C’est maintenant à nos chefs militaires et politiques qu’incombe In responsabilité de nous assurer le succès. La paix que la bataille nous donnera, cette paix issue de la victoire, sera fragile. Elle laissera derrière elle une foule de problèmes complexes et non résolus. Elle placera les gouvernements de demain devant une tâche des plus difficiles. Mais qu’importe, pourvu qu’elle vienne ! Pour le moment, le seul moyen de l’obtenir, c’est d’être vainqueur. »

Un pareil cynisme préparait les palinodies les plus éhontées ; de fait, les mêmes socialistes majoritaires qui venaient de voter les traités orientaux, acceptèrent sans trop maugréer que leur ministre favori, M. de Kühlmann, quittât le ministère des Affaires étrangères, pour s’être déclaré partisan d’une paix de négociation, et ils ne protestèrent pas lorsque, pour les calmer, le chancelier Hertling soutint que rien n’était changé dans la politique allemande, qu’il voulait toujours « le champ libre pour le développement de son peuple, notamment dans le domaine économique, c’est-à-dire naturellement aussi la garantie nécessaire contre une situation difficile dans l’avenir ; » ils continuèrent à se faire quand le chancelier insista sur cette idée que, pour ne pas rester isolée économiquement, l’Allemagne devait « entrer avec la Belgique dans des relations commerciales intimes, qui sont entièrement dans l’intérêt de celle-ci, puisque son caractère, sa situation et son développement la rejettent vers l’Allemagne, » et que Berlin doit empêcher qu’elle « devienne à nouveau un terrain d’attaque, non seulement dans le sens militaire, mais dans le sens économique. »

Rien n’était changé dans la politique allemande, rien sinon qu’elle devenait un peu moins hypocrite que devant. Pourquoi, en effet, les socialistes majoritaires eussent-ils protesté contre cette annexion déguisée de la Belgique, puisque, dans le même temps, l’un des leurs, le néo-marxiste docteur Lensch, proclama à son tour que l’Allemagne est redevable de sa grandeur et de sa prospérité au protectionnisme, au dumping, à la fusion étroite de l’action politique et militaire avec l’action économique, et que l’Empire se doit à lui-même de poursuivre dans le même sens et par les mêmes voies sa formidable mission historique ?

Pour une fois, la rhétorique mystique de Guillaume II exprimait donc bien réellement l’âme de sa race tout entière, lorsque, à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de son