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l’Empereur plus que personne : ne l’a-t-il pas répété cent fois ? ne l’a-t-il pas prouvé par sa longanimité à supporter les menaces de l’étranger ? Nous ne désirions pas de conquêtes ; nous en désirons aujourd’hui, c’est vrai, mais la faute en est à nos ennemis qui, en nous obligeant à lutter pour notre indépendance, nous ont eux-mêmes démontré que des annexions étaient indispensables à notre sécurité. L’Allemagne a été assaillie par une bande de brigands, elle se défend[1]. » Sur la question de savoir qui porte la responsabilité du conflit, la thèse varie au gré des événements : tantôt on accuse l’Angleterre et la « politique d’encerclement » dirigée par Edouard VII, tantôt la Russie et ses formidables ambitions, tantôt la France et son désir de revanche. Mais ce sont là controverses politiques qui n’intéressent pas la foule populaire. L’essentiel est de lui faire croire qu’elle est en état de légitime défense. Elle le croit. Rien n’ébranlera sa foi…

Veut-on connaître les formules dans lesquelles s’est condensée la croyance populaire ? On les trouve dans un petit livre du docteur Spielmann : La guerre mondiale 1914-1915 à l’usage des familles et des écoles (chez Hermann Gesenius à Halle).


Le plan était le suivant : les Russes devaient achever de construire leurs chemins de fer et de mettre en état de défense leurs forteresses de Pologne pour y réunir et abriter leur armée ; l’Angleterre devait faire en sorte que son allié le Japon se tint tranquille, et même l’entraîner dans la coalition, ce qui est arrivé ; la France, comme elle l’avait déjà fait assez souvent, prêtait de l’argent à la Russie pour construire des chemins de fer et des forteresses ; elle devait améliorer son armée par le rétablissement du service de trois ans et attaquer l’Allemagne de deux côtés, sur la frontière d’Alsace-Lorraine et à travers la Belgique. L’Angleterre promettait d’expédier son armée en Belgique et la Belgique était disposée à joindre ses troupes aux armées anglaise et française et à ouvrir à celles-ci ses places fortes. A la vérité, la Belgique était un pays qui avait été déclaré neutre pour le cas d’une guerre européenne, ce qui signifie que les armées étrangères ne pouvaient point passer sur son territoire. Mais le roi Albert renonça à sa neutralité au profil de la France et de

  1. Nous résumons ici de très nombreux articles de journaux et de revues ; nous ferons de même dans la suite de cette étude. Nous réservant de publier les références en temps et lieu, nous avons cru pouvoir épargner aux lecteurs de la Revue l’ennui de notes incessantes.