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monde pendant la guerre et dans les temps qui viendront immédiatement après.

A peine décidés à combattre, et l’on sait dans quelles proportions, aux côtés de l’Entente, les États-Unis s’avisèrent en effet d’une situation de fait qui commandait des résolutions héroïques : limitées étant les quantités de matières premières, denrées alimentaires et produits fabriqués disponibles dans le monde, limités aussi les moyens de transport pour les mener aux lieux de consommation, limités enfin les changes internationaux permettant de les payer, il fallait de toute nécessité recourir à une méthode qui n’a assurément rien à voir avec la liberté commerciale, mais qui pût assurer au moindre prix l’utilisation la meilleure et la répartition la plus équitable des ressources communes. Les États-Unis donnèrent eux-mêmes l’exemple des restrictions à la consommation locale, de la concentration de la production, du commerce et des transports sous le contrôle de l’État ; puis ils invitèrent les Alliés à en faire autant, leur signifiant, avec bonne grâce, mais fermeté, qu’ils n’admettraient pas plus longtemps que chacun des États pour son compte, chaque service administratif de chaque État pour le sien, et encore nombre de courtiers ou commis voyageurs pour autant de particuliers anglais ou français, vinssent se disputer en Amérique les marchandises raréfiées, au risque d’achever le désarroi du marché et d’accélérer la farandole échevelée des prix.

Ce fut l’origine des consortiums ou comptoirs d’achat : chacun des États alliés eut à constituer chez lui un groupement des services ou des particuliers ayant besoin de telle marchandise ou de telle catégorie d’articles déterminés ; ce consortium se présente ensuite comme acheteur unique au gouvernement américain, lequel lui assigne et un contingent du disponible et un tour d’embarquement dans l’ordre de priorité des besoins ; le consortium prend enfin le soin, sous le contrôle de chaque État, d’assurer la répartition entre les ayants droit.

Ce système, qui n’est point de l’étatisme puisque l’État ne gère pas par lui-même ni pour lui-même, donna promptement d’assez bons résultats pour que l’on songeât à l’appliquer ailleurs qu’en Amérique : ainsi, pour la France, des graines oléagineuses d’Extrême-Orient ou de l’Afrique occidentale ; pour l’Angleterre, des cotons d’Egypte ou des laines d’Australie.