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de 209 colonies microbiennes, au bout de cinq minutes celle de 640 colonies. Un accès de toux donne de 300 à 600 colonies microbiennes, ce qui représente des milliards de microbes.

Cela n’aurait guère d’importance si la grippe était une maladie bénigne, comme on l’a trop affirmé. Et pourtant… il est vrai, comme nous allons voir, que la grippe est une maladie bénigne ; mais elle l’est à la manière d’une boule de neige qui n’est rien par elle-même et qui, après avoir dévalé un certain temps sur une pente neigeuse, finit par produire une redoutable avalanche. Je montrerai tout à l’heure comment, pareillement, la grippe produit une sorte d’avalanche microbienne qui, elle, est infiniment plus grave que sa cause initiale.

Sur ce sujet, Broussais, qui a d’ailleurs fait fructifier en médecine un assez grand nombre d’erreurs regrettables et qui se signala surtout par son opposition au grand génie modeste de Laënnec, a lancé cette boutade : « La grippe, invention de gens inoccupés et de médecins sans clients qui, n’ayant rien de mieux à faire, se sont amusés à créer ce farfadet. »

Ce farfadet est pourtant un monstre homicide qui tue les gens par milliers, ainsi qu’on le voit aujourd’hui à la lecture des statistiques municipales. Comment une telle erreur a-t-elle pu être possible, comment contient-elle même une part de vérité qu’il faut pourtant concilier avec la terrible réalité ? C’est ce que l’examen clinique de la grippe et de ses séquelles, confirmé d’ailleurs, comme on verra, par les critères bactériologiques, va nous permettre de comprendre.

Après une incubation très courte et qui paraît durer au maximum vingt-quatre heures, un malaise brusque se déclare avec courbature, indisposition générale, inappétence, coryza, maux de gorge et même bronchite, toux rauque, maux de tête. La température a monté en peu d’heures à 39°, 40°. Puis rapidement tous les symptômes s’amendent et au bout de très peu de temps, généralement deux jours, quelquefois trois et quatre, ils disparaissent en même temps que très vite la température est redescendue à la normale. Tel est le tableau de l’accès de grippe qui est surtout caractérisé par l’allure très particulière, en forme de V renversé, de la courbe de température, et qui laisse après lui, pendant de longs jours, un endolorissement profond, une lassitude, une faiblesse, une asthénie extrême, curieuse et a priori disproportionnée avec la brièveté de l’accès. Voilà la grippe telle qu’on l’a le plus généralement, et alors elle n’est effectivement pas dangereuse par elle-même. Mais parfois aussi, alors que la courbe de température a déjà atteint la normale