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encore défendue fortement le mois passé à l’Académie de médecine, que le bacille de Pfeiffer est l’agent spécifique de la grippe.

Des découvertes toutes récentes, dont je voudrais parler maintenant et qui font honneur à la Science française, active et vivace en dépit de la guerre, viennent de clarifier nos idées sur le premier de ces points et de les bouleverser complètement sur le second.

Voyons d’abord celui-ci. Deux savants de l’Institut Pasteur de Tunis viennent de découvrir et de prouver que l’agent spécifique de la grippe n’est pas le Pfeiffer, mais un « virus filtrant, » c’est-à-dire un microbe trop petit pour être vu au microscope et qui passe à travers les pores d’un filtre capable d’arrêter les microbes visibles.

Voici comment a été faite cette belle découverte, qui a fait l’objet d’une communication à l’Académie des Sciences. Les auteurs ont prélevé sur des grippés de la sécrétion bronchique à laquelle ils ont fait subir, par centrifugation, un traitement particulier de manière à en séparer la partie solide de la partie liquide. Puis ils ont filtré celle-ci sur un filtre spécial en porcelaine, choisi de manière à arrêter au passage tous les microbes connus et notamment le Pfeiffer. Or, le liquide ainsi filtré a permis de donner expérimentalement la grippe avec tous ses caractères (et notamment le V renversé thermique) à divers sujets, hommes et singes, en opérant chaque fois au moyen du « virus filtrant » du précédent sujet. Que ce « virus filtrant » contienne un organisme pathogène vivant, agent de la maladie, c’est-à-dire un microbe, cela ne fait pas de doute, bien que ce microbe soit invisible aux microscopes les plus puissants et même à l’ultra-microscope. Ce qui le prouve nettement c’est précisément ces passages successifs d’un sujet à un autre. Si en effet ce liquide pathogène, ainsi pris sur un sujet et qui passe la maladie au sujet suivant, n’était pas un être vivant capable de se multiplier dans le nouveau milieu où il est injecté ; si ce liquide, par exemple, n’était pathogène que parce qu’il contient les poisons, les toxines des microbes existant dans le premier sujet, il est clair que ces toxines au bout d’un ou deux passages se trouveraient à un état d’extrême dilution et que la gravité de la maladie s’atténuerait rapidement par ces passages d’un sujet au suivant. Or, il n’en est rien, la maladie est aussi grave chez le dernier sujet que chez le premier, et c’est ce qui prouve que le « virus filtrant » contient un organisme vivant, un microbe capable de se multiplier. C’est ainsi qu’a été démontrée l’existence des microbes invisibles, — ou pour mieux dire encore invisibles. Il y a plus de choses entre le ciel et la terre que ne peuvent en montrer tous nos microscopes ;