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mais ce que les microscopes ne peuvent pas manifester, d’autres moyens le peuvent.

La grippe est donc produite par un virus filtrant spécifique, qui écarte définitivement la responsabilité longtemps attribuée au bacille de Pfeiffer. Et voilà encore une erreur judiciaire réparée. La grippe est d’ailleurs loin d’être la seule maladie causée par un virus filtrant ; beaucoup d’autres sont dans le même cas et notamment la rage dont personne n’a jamais vu le microbe. Cela n’empêche pas de traiter avec succès la rage par un vaccin. Le regard n’est qu’un des mille fils mystérieux qui lient nos cerveaux aux phénomènes. Il n’est pas besoin de voir un microbe pour l’isoler et le manier, et cela nous laisse espérer, de même, un vaccin antigrippal.

Mais avant d’aborder ce point, je voudrais indiquer aussi les beaux résultats, encore inédits, qui viennent d’être obtenus à l’Institut Pasteur, au sujet des rôles respectifs des trois microbes associés des complications grippales, résultats obtenus dans le service que dirige un des bactériologistes les plus éminents de notre pays, le Dr  Legroux.

Tout ce qu’on en savait, jusqu’ici, c’est que cette redoutable « triple-alliance » microbienne des complications de la grippe, le pneumocoque, le Pfeiffer, le streptocoque existe habituellement dans les organismes sains où ils sont hébergés et inoffensifs à l’état normal, et que l’effet de la grippe est de les rendre soudain dangereux, de déclencher et de multiplier leur nocivité. Comment ? Est-ce en exaltant, par un phénomène inconnu de symbiose, leur nocivité ? C’est possible. Est-ce seulement en affaiblissant la résistance normale que leur oppose l’organisme ? C’est bien probable étant donné la dépression profonde, l’asthénie que la grippe laisse après elle, même lorsqu’elle n’est pas suivie de complications. Autrement dit, et si j’ose employer cette image, le virus grippal agit un peu comme, dans l’attaque d’une tranchée, la préparation d’artillerie : il prépare le succès des assaillants qui sans lui seraient impuissants devant des défenses accessoires intactes.

Voici maintenant les faits nouveaux établis par les services de l’Institut Pasteur, de manière indépendante et concordante, d’une part par l’examen bactériologique des expectorations et crachats aux divers stades de la maladie, d’autre part, par l’autopsie et l’examen des lésions elles-mêmes :

1o Lorsque le virus grippal a mis le poumon, où il produit un léger catarrhe, en état de réceptivité et de moindre résistance, c’est