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le cocobacille de Pfeiffer qui déclenche le premier son attaque. Il n’est pas l’agent de la grippe, mais cet agent n’est que le fourrier du Pfeiffer. Celui-ci, dans la trinité microbienne dont j’ai parlé, joue le rôle de troupe d’assaut. Les premières lésions post-grippales que l’on trouve au poumon, et généralement sur son pourtour, et qui sont caractérisées par une légère congestion sanguine, sont en effet gorgées de bacilles de Pfeiffer que l’on y trouve presque exclusivement ;

2o Puis survient une phase nouvelle et plus grave ; le pneumocoque à son tour entre en jeu, amenant la pneumonie et des lésions congestives plus intenses et plus profondes où l’on trouve presque exclusivement ce microbe. Pour fixer les idées, tandis que dans la première phase on trouvait par exemple 1 000 Pfeiffer pour 1 pneumocoque, on trouve maintenant 1 Pfeiffer pour 1 000 pneumocoques. C’est cette phase de la maladie qui est souvent accompagnée de l’ « asphyxie bleue, » d’un aspect assez effrayant, et où le malade présente une face noirâtre sous l’influence des phénomènes asphyxiques[1]. Le sang veineux et bleu ne trouve, en effet, plus alors dans le poumon œdématié les moyens d’assurer l’aération qui doit le changer en sang artériel rouge. Contre ces accidents, la saignée avec emploi des toniques cardiaques et des désinfectants internes donne, comme nous verrons, d’excellents résultats ;

3o Enfin, dans la troisième phase de la maladie et lorsque les précédentes n’ont pas été jugulées ou suivies de mort, on voit apparaître dans le poumon une invasion de streptocoques soudain multipliés. C’est alors, dans cette phase heureusement assez rare, que surviennent les pleurésies purulentes qui peuvent aller jusqu’à l’infection généralisée, et que le malade présente le facies blanchâtre des grands intoxiqués, avec une température subissant de grandes oscillations

  1. C’est évidemment cet aspect impressionnant du facies noirâtre de certains grippés à grandes complications qui a fait courir un moment dans le peuple le bruit absurde qu’il s’agissait de peste pneumonique. Il n’en est rien heureusement, car la mortalité de la peste pneumonique est de 100 pour 100, tandis qu’elle est en moyenne moins de dix fois moindre dans la grippe. En outre, la peste pneumonique est toujours précédée de peste bubonique, et on n’a constaté aucun cas de celle-ci. Enfin, le microbe de la peste, le bacille de Yersin, est aisément identifiable, et il n’a jamais été trouvé dans les expectorations des malades. De nombreux bactériologistes ont mis ces faits hors de doute, et notamment le professeur Bezançon, dans une communication documentée et remarquable à l’Académie de Médecine. L’identité de l’épidémie actuelle d’influenza avec celle de 1889-1890 suffirait d’ailleurs à lever tous les doutes et à condamner l’absurde légende de panique qui a couru et venait d’on ne sait où… Il y a aussi un défaitisme sanitaire.