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depuis des siècles, elle s’imposait à chaque roi de France, à chaque homme d’Etat français.

C’est qu’en effet, depuis que, par un prodigieux tour de passe-passe historique (que nous dirons), la région rhénane tout entière avait passé de la Francie à la Germanie, il n’était pas un souverain français qui ne sentit la nécessité de récupérer notre héritage. Mais telle était l’incroyable étendue du domaine usurpé par celle-ci, que la frontière française était à l’Argonne et qu’avant d’atteindre le Rhin, il fallait récupérer et la ligne de la Meuse, et la ligne de la Moselle.

Fort naturellement, il y avait, en ce conseil du roi, des gens « modérés » qui, lorsqu’il s’agissait de se faire restituer, craignaient d’offenser par trop l’usurpateur et des gens « satisfaits, » qui estimaient qu’on possédait assez et qu’il se fallait garer de trop de grandeur. Car, à côté de partisans de la grande France, il y a toujours eu, — même dans les conseils des plus grands rois, même au Comité de Salut public, — des tenants de la plus petite France qui, si on les eût, au début, écoutés, nous eussent volontiers tenus tapis entre Loire et Somme et plus tard derrière la Meuse.

Le maréchal de Vieilleville se leva et dit : « Par ainsi, Sire, emparez-vous doucement, puisque l’occasion s’y offre, des villes de Metz, Toul et Verdun, qui seront environ quarante lieues de pays gaigné sans perdre un homme, et un inexpugnable rempart pour la Champagne et la Picardie ; en outre, un beau chemin et tout ouvert pour enfoncer dans le duché du Luxembourg et les pays qui sont au-dessous jusques à Bruxelles ; plus, vous faire maistre à la longue de tant de belles et grandes villes que ion a arrachées des fleurons de rostre couronne. »

Et comme la question de nouveau était posée, ce bon Français disait au roi, qu’il aimerait mieux mourir que de s’exposer à ce qu’il lui fût reproché à lui et à sa postérité d’avoir pu contribuer, — ne fût-ce que par son silence, — à « frustrer la couronne de France d’une frontière de telle et de grande étendue qui vous ramène et fait rentrer au royaume d’Austrasie qui est la première couronne de nos anciens roys. »

Henri II l’écouta, qui, nous le verrons, accueillant le vœu des cités de la Meuse et de la Moselle, allait faire faire à la nation son plus grand pas vers la récupération du domaine